Juste une ombre
7.8
Juste une ombre

livre de Karine Giebel (2012)

J'avoue que c'est avec une certaine appréhension que j'ai commencé ce livre. Le choc de son précédent ouvrage fût tel, que je me suis forcément demandé si ce nouveau Karine Giebel allait être du même niveau. Après tout, elle n'est qu'une "débutante" avec à peine 6 polars.
Si "Meutres pour rédemption" peut, à juste titre, être considéré comme un des meilleurs thrillers de la décenie, "Juste une ombre" ne déçoit pas, loin s'en faut. Contrairement au précédent, marqué par la violence physique, celui-çi distille une violence psychologique beaucoup plus sournoise et destructrice. Une menace invisible mais oh combien dévastatrice.


On est d'emblée plonger dans l'univers de l'auteur, avec ses personnages que l'on aimerait pas forcément rencontrer.
Il y a d'abord Cloé. Cadre supérieure, elle est crainte et admirée pour son ascension sociale fulgurante. Assoiffée de pouvoir, elle est en passe de devenir directrice d'une grande agence de pub. C'est un personnage assez méprisant, traitant ses collègues comme ses esclaves, odieuse avec ses proches, terriblement égocentrique et un peu paranoïaque.


Alexandre Gomez est inspecteur de police. C'est quelqu'un de revêche, froid et cassant. Incapable de s'ouvrir aux autres et de se laisser aller à ses émotions.


Tous les deux sont en quête de rédemption. L'une est responsable d'un grave accident qui laissa sa soeur à l'état de légume, l'autre de son collègue qui est dans le même état suite à une interpellation qui a mal tourné.


Puis il y a "l'ombre", dont on ne saura absolument rien pendant une grosse partie du livre. D'ailleurs, existe elle vraiment?
Cloé pense que oui. Elle prétend que cette silhouette la suit dans la rue. Qu'elle la menace, sait tout d'elle, la traque dans son intimité, vient jusque chez elle pendant son sommeil. Elle prétendra même avoir été physiquement agressée.
En proie à une profonde dépression, taraudée par la culpabilité, elle pense de plus en plus à sa soeur qu'elle ne voit plus et qu'elle doit forcément payer pour ce crime. A moins que ce ne soit l'oeuvre d'un collègue jaloux. Sa tendance paranoïaque décuplant, elle finit par se retrouver seule au monde. Ou presque.


Gomez veut bien la croire. Suspendu de ses fonctions, il éprouve surtout le besoin de se rapprocher de Cloé, qui lui rappelle étrangement se femme qu'il vient de perdre. Une fuite en avant pour échapper au vide.


Karine Giebel réinvente complètement le genre en cassant tous les codes. Elle mène une sorte d'autopsie psychique de ses personnages en démontant avec précision tous les mécanismes de la peur.
La grande force de ce bouquin réside dans le doute qu'elle répand au fil des pages. Doute sur la victime elle même, du rôle et de la place de chacun, et finalement de cette pseudo persécution.


Mais rassurez vous, l'auteur, comme à son habitude, nous à concocté un final époustouflant. Une bonne cinquantaine de pages vous laissant groggy et hébété. Oh! pas de carnage sanguinolent en roue libre ou je ne sais quel improbable rebondissement en vue.
Non, non.
Rien de tout cela.
Juste l'ombre d'un remords…

DanielO
9
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Créée

le 27 août 2022

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DanielO

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