Impact
6.9
Impact

livre de Olivier Norek (2020)

« L’écologie, sans révolution, c’est du jardinage ! »

Dans le petit monde des auteurs français de ce que l’on qualifiait jadis de polars de gare – à l’époque où l’on lisait encore des livres lors de voyages en train… – Olivier Norek est un drôle de spécimen, et sans doute l’un des personnages les plus intéressants. Venu du vrai monde la police judiciaire, il a naturellement débuté par des polars réalistes – et très crédibles, ce qui est logique – rapidement reconnus par le public et la critique (et ce même en dehors de l’hexagone) : on en compte aujourd’hui quatre, "Code 93", "Territoires", "Surtensions" et "Surface". Mais c’est lorsqu’il publie le bouleversant "Entre Deux Mondes" que Norek crée vraiment la surprise : plongée terrible dans l’enfer des migrants, voilà un livre qui secoue réellement son lecteur, et qui au final, a sans doute plus contribué à une prise de conscience collective (encore insuffisante) de ce drame que nombre de beaux discours et de pétitions généreuses. "Impact", le dernier Norek, s’inscrit dans cette même logique de discours politique, cette fois beaucoup plus polémique, à peine dissimulé derrière les péripéties – ici réduites au strict minimum – d’un thriller de divertissement.


"Impact" nous raconte, dans un très proche futur (on sort juste de la pandémie, et Macron est encore au pouvoir), l’apparition d’un véritable terrorisme écologique, qui va – et là le livre, souvent terrifiant, va se révéler sans doute optimiste – entraîner l’adhésion de la population, d’abord française, puis mondiale… et, c’est ce que suggère un dernier chapitre qui nous projette 25 ans dans l’avenir, peser sur l’évolution du monde.


Très documenté, bourré d’informations (les dernières pages listent les sources utilisées pour construire le récit), "Impact" met en scène des personnages moins « humains » que ceux qui peuplent d’habitude les pages des thrillers de Norek, et c’est là un reproche que l’on peut légitimement faire à un bouquin qui s’éloigne de la « littérature » conventionnelle pour s’apparenter parfois à un pamphlet un peu didactique. Car les « héros » paradoxaux de ce roman servent avant tout à véhiculer un message fort sur l’urgence absolue d’un réveil collectif, et certaines scènes, comme celle – édifiante – de la discussion entre le Président et sa « plume » à propos des décisions gouvernementales, sont clairement posées là comme source de réflexion pour le lecteur, et non comme élément de la fiction. De la même manière, les parenthèses (effroyables) détaillant les conséquences déjà visibles de l’effondrement écologique sont voulues par Norek comme une manière brutale de faire réaliser au lecteur l’impact (oui, oui, et c’est là l’une des explications du titre) de ce qui figure déjà dans son journal quotidien mais qu’il choisit d’ignorer.


Ceux qui ne sont pas experts en droit se demanderont bien entendu si l’argumentation des avocats dans le « procès du siècle » (du millénaire !) qui conclut presque Impact est recevable, mais ça n’a finalement que peu d’importance devant les images terribles que le livre a faire naître dans notre tête. Norek est impitoyable dans sa condamnation de la démission des politiques ainsi que de tous les instruments démocratiques (dont la police et la justice…) qui sont sensés nous protéger, et encore plus radical dans sa dénonciation de l’abjection du capitalisme financier qui prépare sans sourciller l’apocalypse pour assurer ses profits. Et si Norek prêche beaucoup à travers la voix de son terroriste, ce que les gens de bon goût lui reprocheront certainement, il est difficile d’oublier la phrase prononcée page 186 : « l’écologie, sans révolution, c’est du jardinage ! ».


Norek est très en colère, et sa colère lui fait honneur. Impact n’est certainement pas un très bon livre, c’est néanmoins un livre absolument essentiel. Lisez-le sans délai, faites-le lire autour de vous. Et enfilez votre masque de panda balafré.


[Critique publiée en 2020]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2020/12/27/olivier-norek-impact-lecologie-sans-revolution-cest-du-jardinage/

EricDebarnot
8
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le 26 déc. 2020

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Eric BBYoda

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