Hypérion, c'est une oeuvre colossale pour plusieurs raisons. D'abord, c'est le paradigme de la SF contemporaine. Critère purement subjectif, me direz-vous. Oui, mais c'est ce genre de livre qui vous dit que vous lirez de la SF toute votre vie. Ensuite, c'est un hommage immense au poète anglais John Keats. A travers sa fiction, Dan Simmons nous offre l'opportunité de découvrir ce magicien du verbe. Les Cantos d'Hypérion semble avoir été créés pour un jour abriter le récit de Simmons. Enfin, cet ouvrage est la matérialisation des pensées d'un auteur visionnaire qui mène le bateau de l'esprit du lecteur jusqu'aux côtes de l'imaginaire pour lui faire entrevoir sa vision du monde... de demain...

Hypérion, c'est une initiation, qui se poursuit avec La Chute d'Hypérion pour se conclure avec le Cycle d'Endymion, qui doit en grande partie à cette trame de lecture originale qui rythme extrêmement bien les événements. Pourquoi donc Weintraub balade-t-il cet enfant dans ses bras et que fait le Père Hoyt à bord du Bénarès ? Le récit prend des accents de polar et parfois, le mysticisme des personnages semble presque faire croire à un récit de vie. Peut-être que demain, qui sait... Mais cette communauté de personnages créée par Simmons est pourtant bien plus qu'une suite de personnalités qu'un roman policier fini par liquider. Non, ici, au détour de l'histoire de chaque héros, il y a un monde qui se cache et on se prend à l'aimer, le comprendre, le découvrir et à peine le feu d'une intrigue individuelle s'estompe-t-il que l'auteur nous expulse encore plus loin, au pied des tombeaux du temps.

Quel mysticisme imprègne Hypérion... Simmons l'a-t-il visitée ? Le roman balade le lecteur de manière extrêmement profonde et entière pour s'essouffler par contre un peu dans La Chute d'Hypérion. La critique ne portant pas sur l'ultime volet du Cycle d'Hypérion, on en dira mot ici, si ce n'est que les deux premiers tomes du cycle doivent beaucoup à cette particularité de récit d'histoires personnelles contées les unes après les autres dans la dimension atypique qu'est celle du monde d'Hypérion.
Grammaticalement, la prose est tout à fait correcte. L'auteur, même traduit, rend la lecture agréable et sérieuse, ce qu'on peut regretter à la lecture de nombre d'ouvrages de SF dont le style leur fait perdre une certaine crédibilité. Néanmoins, le narrateur ne tombe pas dans la caricature d'un récit complexe à outrance où une fois en bas de la page, on se doit d'en relire le contenu afin d'en bien saisir la logique. Le texte est lipide, quoiqu'on se perd parfois un peu entre les récits des personnages. C'est peut-être le bémol du particularisme de chaque personnage.

Les multiples figures de style et allégories du livre bercent le lecteur dans un univers tantôt suave, tantôt violent et parfois si révélateur de ce que notre futur pourrait être. C'est ici qu'à mon sens intervient la nature davantage Cyberpunk que Space Opéra du récit. Surtout dans La Chute d'Hypérion, quoique, intervient beaucoup cette idée de science maléfique, d'une humanité en déliquescence. L'ajout de Simmons réside ici dans ce que j'appellerais « l'esprit du monde » sur lequel les pèlerins du gritche vont vivre leur expérience prophétique. Leur quête s'inscrit en effet dans une dimension qui relève de la prophétie car en allant chercher des réponses à leurs questionnements, les membres de notre communauté vont, sur Hypérion, partir en quête de réponses qu'une planète, voire un univers entier, puisque menacé par les Extros, recherche éperdument. Cette lecture collectiviste d'Hypérion peut se comprendre complètement dans les deux derniers tomes du cycle, ce qui donne une plus-value idéologique intéressante à ces ouvrages.

Enfin, il me faut faire état d'un thème qui imprègne le récit de long en large. Il s'agit de l'importance que Simmons voue à la douleur. Le gritche, on en dira pas plus, est l'incarnation de cette thématique qui plonge au coeur du récit. Et tous les personnages du récit semble être écorchés dans leur âme par cette cruauté qui leur est imposée par la fatalité du monde qui les entoure.
Autant vous dire que lorsqu'on est pris dans la tourmente du gritche, on a qu'une seule envie : c'est d'y sombrer. Je vous souhaite un très grand plaisir dans la lecture d'Hypérion, et vous envie de commencer cet ouvrage sublime. Hypérion est véritablement cultissime.
Biohazardboy
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le 31 janv. 2012

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Biohazardboy

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