Sam Bourcier fait dans la subtilité dès la couverture, qu'il a du défendre auprès des éditrices de Cambourakis pour qu'elles acceptent de la publier en l'état. On le comprend, vu le caractère super kitsch de celle-ci. Mais, par bonheur, on comprend pourquoi la licorne pète à la page 202.
Que fait Bourcier à l'intérieur de ce livre ? Il produit une critique en règle et documentée (documentation toujours sauvage dans sa présentation) de la captation par le capitalisme des identités Lesbiennes et gaies (LG) et bientôt des identités trans. Cette critique se fait à plusieurs niveaux et dans des lieux et domaines différents :
- le travail (critique des pseudo-politiques de la diversité au sein des entreprises qui visent à faire de la personne lesbienne ou gay une bonne petite travailleuse)
- l'université (qui présente une vision aseptisée et dépolitisée des travaux théoriques queers, et promeut plutôt des "études de genre" ou, encore mieux, des "études féminines")
- les politiques de l'égalité "à l'agenda rikiki" qui produisent l'intégration et la normalisation des personnes queers au sein de la société en les incorporant dans les mêmes structures oppressives et étatiques que les personnes straights (on pense bien sur au mariage).
Voilà très rapidement sur le fond. Pour la forme, on s'amuse bien avec Bourcier. Assez agréable à lire si on maitrise un petit peu les termes qu'on retrouve souvent dans les travaux de ce genre (LGBTQ, POC, ...). Bourcier pratique une manière d'écrire qui peut paraitre surprenante au premier abord mais (1) il s'en explique dès le début et (2) on s'y habitue assez vite.
Les références sont balancées de manière sauvage (ce qui évite les notes de bas de page), mais un détour par la bibliographie de la fin permet facilement de s'y retrouver.
Toujours très au point politiquement, Bourcier va toujours contre le courant dominant. Et c'est super rafraîchissant. Tout en apportant un certain nombre de connaissances sur des faits et des explications théoriques, il arrive à insuffler une envie de lutter, de s'y mettre aussi, que j'ai rarement senti dans d'autres livres.