« J’ai été stupide de ne pas y penser », reconnaîtra Voldemort (p. 691) à propos de la « vieille magie » qui protège Harry. On peut même dire complètement con : si j’avais eu comme lui un complice à Poudlard et la possibilité de lui faire utiliser un « Portoloin », l’affaire aurait été réglée le lendemain de la rentrée scolaire. Ça donnerait ceci :
« – Tiens, mon garçon, ouvre ce paquet ! dit Maugrey à Harry en clignant de son œil magique.
– Merci, professeur ! Qu’est-ce que… oh ! »
Puis allez directement au chapitre 32. – Au lieu de ça, Vous-Savez-Qui laisse à ses ennemis le temps de se méfier et à ses complices de lui faire défection.
S’il y a bel et bien une intrigue dans la Coupe de Feu, elle est donc entièrement bâtie sur du sable – celles des trois premiers tomes n’étaient déjà pas bâties sur grand-chose. Mais à mon sens, la débilité de cette intrigue et le caractère artificiel du parcours qu’elle implique pour le héros mettent en lumière ce que Harry Potter ne devrait peut-être jamais cesser d’être : une incroyable fabrique à rêves – j’écris fabrique, pas atelier –, un sac d’objets trouvés pour enquêtes ludiques, un tremplin de fantasmes à l’intention des enfants qui sommeillent en certains lecteurs, et des collectionneurs-classificateurs maniaques qui sommeillent en la plupart des enfants.
« Tu ne trouves pas qu’on a déjà assez de souci comme ça ? demanda Ron à Hermione. Tu crois vraiment que c’est le moment de chercher à se venger de Rita Skeeter ? » (p. 581). Bien sûr, que c’est le moment, Ronnie ! D’abord parce que dans un roman d’aventures, c’est toujours le moment de se venger, qu’on n’y a jamais « assez de souci comme ça » ; ensuite parce que cette multiplication de sous-intrigues amène une profusion de détails. Or je ne vois pas comment, en sept volumes, il n’y ait pas au moins un de ces détails qui éveille l’imagination du plus rétif, du moins rêveur des lecteurs.
(De mon côté, c’est le Quidditch, cet improbable mélange de basket (les paniers), de base-ball / cricket (les battes), de football (la popularité), de handball (les sept joueurs dont le gardien), et pourquoi pas de waterpolo (l’impossibilité pour les joueurs de ne pas bouger), c’est-à-dire d’une bonne partie des sports collectifs les plus populaires de la planète – d’où le succès du truc ? Ce qui est fabuleux, c’est que les joueurs s’entraînent et causent tactique et que je ne vois absolument pas à quoi peut ressembler un entraînement ou une tactique de Quidditch…)


D’autre part, si la majorité de ces éléments n’ont aucun intérêt pour la résolution de l’intrigue mais servent à la toile de fond du récit, quelques-uns sont cruciaux, et d’autres encore portent uniquement sur les sous-intrigues – par exemple sur la vengeance contre Rita Skeeter. Mettons, et vous pensez bien que je n’ai peut-être pas suivi le même ordre, la présence d’un scarabée sur la statue d’un renne (chap. 23, p. 55-56), le fait que le Portoloin soit une vieille chaussure (chap. 6, p. 80-82) et le portrait du paranoïaque et bourru Maugrey Fol Œil qui avale boisson et nourriture avant même d’être présenté aux élèves (chap. 12, p. 198-200).
Du coup, ce qu’on retient du roman n’est pas sa ligne directrice, mais ses épisodes : la Coupe du monde de Quidditch, les trois épreuves du tournoi, la « quatrième épreuve » qu’est le bal, le duel final. Il me semble aussi que ces épisodes étaient cinématographiques avant même d’être adaptés au cinéma : « Un jet de lumière verte jaillit de la baguette de Voldemort à l’instant même où une lumière rouge fusait de celle de Harry. […] Un étroit faisceau lumineux reliait à présent les deux baguettes magiques, ni rouge ni vert, mais d’une intense couleur or. […] On aurait dit que de grosses perles de lumière glissaient dans les deux sens le long du fil d’or » (p. 702-703).
Très chouette scène que ce duel final, d’ailleurs, non seulement parce qu’elle suit directement la première mort sérieuse de la série, mais parce qu’elle est peut-être la plus riche littérairement parlant.

Alcofribas
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le 18 juin 2020

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