Better to rule in Hell, than serve your mother

Nous avons ici une romance assez classique dans le paysage de ce genre de romans. Mais en proposant une relecture d'un mythe antique fort connu (certes plus pour son explication des saisons que pour son romantisme) le livre a déjà d'entrée un certain capital sympathie.

Si on me dit antiquité gréco-romaine et histoire d'amour, je pense d'instinct à Psyché et Cupidon, mythe très secondaire mais pour lequel j'ai toujours craqué et que je classe très haut dans mon panthéon des histoires d'amour. Vient ensuite le mythe d'Orphée et Eurydice, extrêmement connu, au parfum baroque, à l'issue tragique, hommage tout aussi fort à l'amour qu'à la musique. Le pauvre Orphée s'il est bien présent dans ce livre, ne sera pas bien mis à l'honneur, et c'est dommageable pour ce premier tome qui puise essentiellement ses inspirations mythologiques dans les légendes infernales de ne pas mettre en valeur celle-ci.

En tout cas je ne pense pas à Hadès et Perséphone quand on me parle d'amour dans cette mythologie. Pour rappel, s'ils s'éprennent bien l'un de l'autre, l'élément déclencheur est un rapt ce qui enlève de suite le côté glamour à l'affaire. Scarlett St Clair modernise ici l'histoire, et réussit à rendre belle cette idylle, le tout en restant respectueuse des événements (typiquement le rapt est remplacé avec habilité par un événement déclencheur à la symbolique similaire) et en plaçant bien les personnages liées à Perséphone dans des interprétations modernes (Adonis, Menthé, etc).

Côté mythologie le pari du roman est à la fois réussi - avec toutes les légendes retranscrites - et sur un postulat un peu perturbant à accepter. Ce n'est pas la terre que nous connaissons mais une terre remodelée par les dieux grecs en un seul continent, qui en ont un contrôle total, mais le tout dans une société comparable à la notre sur les plans technologiques et sociales. C'est un peu ce qu'avait proposé Azzarello dans son run Wonder Woman, avec des dieux très présents dans les affaires humaines, mais poussé à l'extrême. Donc une fois la pilule passée, on se plait à assister à un Met Gala où défilent les Olympiens, à voir des étudiants de fac se préparer à devenir oracles, le tout aux côtés des mythes classiques comme Cerbère, Charon, le Styx et Hécate (meilleur personnage du roman dans son rôle de confidente de l'héroïne aux enfers).

Reste le détail perturbant des cornes comme marqueur des divinités. On se demande ce qui est passé par la tête de l'autrice au moment de prendre cette décision plus que discutable.

Maintenant si l'on met de côté la partie mythologie remise au goût du jour, qu'y a-t-il à dire ? Que l'on suit essentiellement la romance entre une chaudasse couvée par une mère trop protectrice et mec qui se dit que c'est peut-être la femme dont il tombera amoureuse quand il se met à avoir des érections 24/7 à ses côtés. Concrètement le tout est ultra porté sur le sexe. Même certains dialogues sérieux et non portés sur la chose se font dans des situations suggestives et avec peu de vêtements. Quant aux vrais scènes de sexe, alors là, il s'agit de bien prendre le temps pour les décrire. C'est un parti pris que j'ai trop souvent vu dans bon nombre de livres ridiculement mauvais. Là, ça passe encore, notamment car au moins les longues pages de sexe sont honnêtement plutôt plaisantes à lire, évitant les écueils du vulgaire. Mais je pense que le dosage n'est pas bon, et qu'à trop s'attarder sur la chose, on en oublie la vie quotidienne des deux protagonistes, avec notamment la partie journalistique de l'héroïne qui aurait mérité bien plus d'attention. Se dire aussi que les meilleurs parties, au niveau du style, soient les scènes de sexe pose aussi un sérieux problème sur la qualité d'écriture de l'ensemble.

La partie qui elle est une franche réussite est celle d'une reine en devenir aux enfers. Le livre nous raconte comment elle va gagner le cœur des enfers, devenir une reine pour les mortels décédés qui y résident, pour les monstres mythologiques qui y travaillent, pour ses divinités mineurs. C'est un récit bien connu, que celui d'une jeune qui débarque à la cour et se doit de gagner les faveurs de ses nouveaux sujets. Mais ici, une différence subtile a lieu, car son amour avec Hadès naît doucement (au contraire de leur attirance physique, elle immédiate), et son officialisation en tant que souveraine des enfers ne se fera qu'à la toute fin. Et finalement la naissance de l'amour du peuple pour Perséphone se fait au même rythme que celle qui anime nos deux divinités.

Un livre simple, au potentiel réel même si trop souvent pas assez bien exploité, qui assure une lecture sympathique.

WeaponX
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le 1 janv. 2023

Modifiée

le 1 janv. 2023

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