Gorgias
7.2
Gorgias

livre de Platon ()

« Comme Platon sait bien se moquer ! »

Pour commencer j'ai lu ce bouquin en édition Flammarion qui ne figure pas sur Senscritique et flemme de l'ajouter. Les notes sont en fin de page ce qui est habituel quand elles sont aussi fournies et nombreuses. La "présentation" dépasse les cent pages et bien qu'elle soit tout à fait intéressante et à propos elle agit comme un puissant somnifère mais là encore c'est tout à fait normal de la part d'une universitaire qui de surcroît s'appelle Monique. Personnellement, j'aime bien ces deux états de fait qui au prix d'une lecture longue amènent à bien comprendre le propos. J'aurais peut-être préféré voir une pointe d'ironie dans la présentation mais malheureusement seule une fan premier degré de Platon peut faire une "présentation" (qui a plus une tronche de mémoire ou de thèse) aussi complète de son œuvre.

Le texte en lui-même est plus ou moins en deux parties avec intro comme suit :

- Intro : Platon VS Gorgias

- Partie I : Platon VS Polos

- Partie II : Platon VS Calliclès

Le titre de cette critique cite directement la réaction de Gorgias à ce livre et on peut le comprendre car il y est dépeint comme un mec tout à fait médiocre. Quand Socrate arrive on lui dit que le gogo vient de terminer un bête de discours en live, ce à quoi soso répond qu'il lui refera en replay un de ces quatre ce qui pose d'emblée l'antagonisme passif agressif entre les deux. Le propos de Gorgias est de dire que la rhétorique est le meilleur des arts. Plus loin dans l'intro ça part en dialogue socratique avec un Gorgias benêt et bizarrement honnête pour un rhétoricien sur le point de se faire démonter par Socrate avant que ses groupies ne viennent à son secours.

Puis vient Polos qui fait carrément le malin et pense qu'il peut prendre Socrate quand c'est Platon qui écrit le script mais non Socrate finit par lui dire que la rhétorique c'est même pas un art alors encore moins le meilleur. Ironiquement, il utilise pour ce faire nombre de procédés rhétoriques et amène Polos à se contredire lui même ce qui va l'amener à la fermer pour tout le reste du texte à part une réplique vers la fin où il rappelle qu'il s'est fait mystifier.

Vient ensuite Calliclès qui au départ apparait moins hypocrite que Polos. Il évoque la loi et la nature et explique que celui qui peut obtenir ce qu'il veut avec la rhétorique le mérite, car les forts doivent triompher des faibles et tout et tout (voir le dialogue mélien de Thucydide). Mais Socrate en a vu d'autres et va jusqu'à utiliser des lieux communs qu'il a pourtant âprement critiqué précédemment dans le bouquin afin de vaporiser. Lui aussi auto-contredit, Calliclès va finir par l'insulter et le menacer plus ou moins directement puis juste bouder. A noter que c'est dans ce passage qu'on observe le mieux la malhonnêteté intellectuelle et l’ingratitude de Platon qui utilise les procédés les plus bas de la rhétorique pour la descendre. Mention spéciale pour le "il vaut mieux subir l'injustice que la perpétuer" et "on fait plus de mal à l'auteur d'une injustice en ne le punissant pas qu'en le punissant" dont les preuves sont typiques de l'arnaque du dialogue "socratique". Le débat avait dérivé sur le bien et le mal ainsi que la notion de justice et la politique. Platon considère que la rhétorique est un outil de flatterie et la compare à la politique en cela qu'elle n'améliore pas les personnes qu'elle vise. Le peuple dirigé par Périclès n'est pas devenu plus juste tout comme l'élève du professeur de rhétorique. Pour lui la philosophie est un moyen d'améliorer l'âme des gens un peu comme la médecine pour leur corps et il ajoute qu'en revanche la rhétorique flatte les âmes comme la cuisine flatte le corps sans l'améliorer, bien au contraire. Il nous fait comprendre que la rhétorique devrait s'inféoder à la philosophie ce qui fait d'autant plus bicher Calliclès qui avait commencé sur un "la philosophie c'est pour les gosses". Calliclès KO notre soso finit sur un mythe 100% no fake sur la "vie" après la mort qui nous permet de mieux comprendre l'idéologie de Platon. En gros après la mort on est tous jugés et les méchants prennent cher d'où le "pas besoin de les punir de leur vivant".

Passé le fait que je ne suit pas du tout d'accord avec les idées platoniciennes j'ai trouvé ce texte marrant car tout d'abord assez ironiquement il est truffé des procédés parfois douteux d'une rhétorique qu'il critique mais aussi car il présente aussi des idées non platoniciennes tout aussi intéressantes. Bien que Platon dans ses "dialogues" utilise le procédé de l'homme de paille pour ridiculiser ses "adversaires" leurs idées sont bien réelles : elles existaient à Athènes durant la période classique et perdurent jusqu'à nos jours.

Après tout il ne faut pas oublier que malgré le passage du temps et des modes les hommes resteront toujours les mêmes.

Alexis_Baudrand
7
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le 24 avr. 2024

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Alexis B

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