Fonte brute est un roman ambitieux se perdant dans la logique même de son exposition. Après une entrée en matière assez maîtrisée, où Sofronis Sofroniou accroche le lecteur avec la description de Petite Vie ( purgatoire aux règles plutôt claires à première vue), la narration se délite pour faire place à des scènes aussi extravagantes que paradoxales. Plusieurs éléments se télescopent comme l’hypermnésie du narrateur ( liée à l’ingestion d’eau sucrée) qui lui fera réciter des passages de 4001, roman de Krauss qu’il n’est pas sensé avoir encore retrouvé avec sa collègue Bonadea; des failles spatio-temporelles ( où il se retrouve soit à revivre un épisode de sa vie antérieure à New-York ou dans un futur de 2025 dans une ville allemande où il appréhende une expérience quasi similaire); des déplacements dans Petite Vie liés au tournage d’un film sans queue ni tête dont la finalité est une projection à des statues de fonte). En définitive, tout un odyssée mental déglingué que le lecteur encaisse sur près de 350 pages et où il n’entrevoit aucune cohérence jusqu’à sa fin( ce qui frustrant et agaçant) au delà de ses échos « inter-événements ». Sofronis Sofroniou installe aussi des scènes de sexe abruptes et rendant mal à l’aise, des tueries de masse d’animaux ou d’êtres humains impromptues et d’autres questionnant la réalité ou le simulacre tout au long du roman. En substance, l’odyssée de Bonadea et du joueur d’échecs sur ce purgatoire indigeste est proche des mythes grecs que l’auteur convoque parfois, sauf que sa mythologie personnelle est dénuée de sens par rapport à eux. C’est un roman qui aurait pu parler à Stanley Kubrick, qui aimait plonger ses personnages dans des expériences immersives dérangeantes dans ses films. En refermant le livre, je me suis dit tout ça pour ça et me demande pourquoi Sofronis Sofroniou n’a pas publié d’autre roman. Celui-ci n’était-il qu’une unique tentative pour explorer une certaine idée de l’épreuve humaine?

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le 29 oct. 2023

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