En attendant un 6e tome du Chant de la Glace et du Feu qui semble ne jamais sortir, George Martin continue de s'éparpiller et sort un nouveau tome "annexe" consacré à la Conquête de Westeros et aux premiers rois Targaeryan.
Là dessus arrive les éditions françaises, toujours à propos, qui mutile le livre en le coupant plus ou moins arbitrairement en 2 pour multiplier les ventes.
On ne parlera donc ici que du premier tome.


L'idée d'aborder la Conquête d'Aegon, bien que plutôt basique et facile, aurait pu se révéler intéressante. L'idée d'aborder le Westeros d'avant, et d'approfondir toutes les parties dans une histoire au denouement déjà connu aurait pu se révéler a la fois tragique et révélateur. De cela nous n'auront rien. Ca de toutes les méthodes narratives, Martin choisit la plus facile : le livre est une chronique écrite par un mestre à un moment inconnu mais largement postérieur au temps de l'action. Bref c'est l'équivalent d'un livre d'histoire. Et pas un bon.
Oubliez le sens du grandiose de la saga d'origine, sa fine intrication politique, les personnages patiemment construits. De la Conquete, vous n'aurez que 60 pages ennuyeuses uniquement écrite d'un point de vue favorable à Aegon. Une longue liste de mouvement et de batailles, de personnages vaguement nommés puis oubliés, et surtout beaucoup d'occurrences de noms de dragons.
C'est une très longue page wikipedia qui se déroule. Mais l'interet d'une page wikipedia c'est que l'on peut naviguer dedans, suivre des sources, des renvois et au final se construire un corpus solide sur un sujet si on le souhaite, ou juste rester en surface.
Ici on reste non seulement en surface mais en plus uniquement du point de vue de l'envahisseur. Les Résistants de Dorne sont montrés comme des gens fourbes et lâches, on est sensé célébrer en chœur la boucherie des Champs de Feu, le massacre d'Harrenhal et pleurer la pauvre Rhaenys et son dragon morts héroïquement en attaquant une position fortifiée dornienne.
Il y avait mille choses a raconter ici : la resignation croissante du Nord, l'orgueil des Jardinier, l'obstination de Dorne, la decadence des Fer Nés,... les parallèles avec l'Histoire (la vraie) ne manquent pas.
Il n'y aura rien, a part Aegon et ses sœurs et surtout leurs dragons.
Et une fois ce passage bouclé, on embraye toujours sur le même mode sur le règne des 3 premiers rois (Aegon et ses deux fils Aenys et Maegor). Aucun personnage n'en ressort et pire ils sont tous réduits a un cliché les caracterisant.
On notera a ce propos que Maegor est caractérisé comme... un méchant. Juste ca. Il est vil, brutal, cruel et même sterile, ou en tout cas incapable d'engendrer autre chose que des monstres. Ca doit certainement être causé par le fait que c'est le seul de la chronique... a ne pas avoir épousé sa sœur. Car si la saga principale mettait son emphase sur les conséquences de la consanguinité (Aerys II et Joffrey), ici, epouser sa sœur est vu comme une belle chose, fait par de belles personnes (Aegon, Aenys et Jaehaerys sont tous décrit comme des gens bien, même si le premier est un conquérant sanguinaire, le 2e un indécis et le dernier un manipulateur) que seul quelques dévots extrémistes oseront refuser (mais uniquement pour le roi Aenys).... certes....
Peut alors dans ce cas considérer le fait que Maegor ait fini par epouser sa demie sœur comme une tentative de rédemption ?


Au bout de 200 pages environ, un changement intervient. Maegor meurt et lui succede son neveu Jaehaerys (vous le prononcez comment vous ? Moi j'ai laché). Et cette fois, nous allons enfin avoir un peu d'enjeux politique, de personnages caractérisés et d'interactions intéressantes.
Ne vous en faites pas, ca va encore parler d'inceste.
Mais pour le coup, l'opposition entre Jaehaerys et sa soeur/epouse d'un côté et sa mère et sa Main de l'autre amene au moins des échanges intéressants et pour une fois des points de vue différents. Évidemment le mestre insiste bien pour dire qu'une des parties a très raisons, devinez laquelle.
A ce propos, Martin semble lui emmener perdre la mémoire puisque, sans raison apparente, il commence a résumer des passages précédents du livre. Un peu comme un flashback inutile d'une scène déjà vue dans un mauvais manga.
Déjà que ce n'était pas bien passionnant à première lecture, en avoir un nouveau résumé est "délicieux ".


Mais ne boudons pas notre plaisir : cette partie du livre ravive l'intérêt, et se conclue par le meilleur passage du livre, s'engouffrer résolument sur les terres de l'horreur.
Une fois ceci fait, on reprendra la facilité, en egrennant les autres années de regne du roi et de sa reine, devenue par la force du cliché une sorte de Mary Sue royale que tout le monde aime et qui arrange tout.


Au final, ce livre ressemble à une compilation des notes de l'auteur qui, au lieu de les annexer a son œuvre comme l'a fait Tolkien en son temps, les a gonflé et étendues pour en faire un nouveau livre et faire patienter les lecteurs en attendant un tome VI qui joue l'arlesienne.
Comme y a des dragons partout, les gens devraient aimer non ?
435 pages pour en gros 50 a 60 pages allant de modérément intéressantes a vraiment bien et le reste en remplissage, ca fait pas bien lourd.

Planet_Smasher
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le 3 janv. 2021

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