Fahrenheit 451
7.7
Fahrenheit 451

livre de Ray Bradbury (1953)

Il y aura du SPOILER dans cette critique.

À la sortie de ma lecture je ressortais avec une légère déception qui n'allait qu'en grandissant au fil du temps pour devenir aujourd'hui un misérable 5/10. Note plutôt sévère pour ce classique de l'anticipation que la critique rangera automatiquement aux côtés de 1984 ou Le Meilleur des Mondes, les autres gros classiques du genre.
Pour ma part je n'ai pas encore lu Le Meilleur des Mondes, mais pour ce qu'on m'en a dit, ça m'intéresse, car on m'a certifié que derrière le roman sa cachait une analyse pertinente de la pensée libérale qui sévit encore aujourd'hui. Le terme "analyse" me donne envie dans l'anticipation, c'est ce qui motive ma lecture et c'est ce qui motivait ma lecture de 1984. J'avais aimé le livre d'Orwell pour l'analyse approfondie et extrêmement juste des mécanismes totalitaires, en somme ce n'était même pas de l'anticipation. Il n'y avait pas une intention de deviner ce qu'allait être la planète plus tard, ni même de nous avertir de quoi que ce soit. Orwell étudiait quelque chose qui appartenait à son temps. Le totalitarisme. Son analyse est finalement devenue intemporelle et donc extrêmement brillante.

Fahreinheit 451 ne propose pas ça. Aucune analyse intelligente. Au contraire l'idée principale du roman est assez naïve. Une société où l'acte de lecture et en général l'acte de culture est interdit. On fait en sorte que les gens soient idiots, on les prive de l'accès au savoir pour mieux les contrôler. Mais dans quel but ? Ce paramètre précis : "abrutir la population pour mieux la dominer" était déjà présent dans l'étude d'Orwell, et il n'était pas seul. Orwell étalait tout un tas de critères nécessaires au maintien d'un régime totalitaire. Il nous expliquait le Comment, le Qui et le Pourquoi. Son étude était complète. Ici nous n'avons qu'une partie infime d'une étude. Bradburry n'a exploité qu'un seul filon, une seule idée et n'a pas cru bon d'enrichir un peu plus son propos. Ainsi soit-il, on ne ressort de ça que de l'anticipation basique, de la dystopie sans analyse, sans autre idée que d'écrire une dystopie. Au final, écrire une dystopie est assez simple s'il ne suffit que de ça. Imaginer une société future sombre basée autour d'un seul concept. L'exercice est drôle, sympa à lire mais jamais pertinent.

C'est pourquoi ce livre ne m'a jamais effrayé, car je n'ai jamais retrouvé dans cet univers imaginaire le reflet du notre. On nous parle d'un monde où les gens ne lisent plus et sont abrutis par les émissions télé. Le propos est maigre.
"Attention, notre monde se dirige vers ça ! Les gens vont être de plus en plus abrutis par la télé ! Lisez mes amis, lisez !"
Et parce que je lis et que je côtoie des gens normaux et intelligents, ce propos ne m'effraie en rien. Il n'y a là qu'un avertissement lointain et non une analyse comme je les aime. Que reste-t-il alors ? Deux choses.

1) L'histoire du personnage, le récit que Bradburry a sur les bras et qu'il doit peaufiner maintenant qu'il a usé son propos.
2) Le second message sur l'amour de la lecture.

Malheureusement aucun des deux ne fonctionne réellement.
Les mésaventures de Montag se terminent en queue de poisson. La fin est abrupte et décevante. La guerre éclate, la société cauchemardesque invincible que Montag découvrait à peine finit en cendre d'un coup. Bradburry s'en débarrasse, il ne savait pas quoi en faire. Rien ne pouvait servir son propos. Montag n'était plus dupe mais n'était pas un héros non plus, la société décrite n'était pas assez sévère. Alors quoi de mieux qu'une bonne guerre ? Tout raser en un chapitre pour ne pas avoir à étoffer son récit et pour vite finir le livre, qu'il aille vite vite chez l'éditeur.

L'amour de la lecture est vite dépassé par la course poursuite entre Montag et les autorités. L'action est privilégiée au détriment de la poésie. Il y avait pourtant là une ultime idée qui pouvait sauver ce Fahreinheit 451. On aurait aimé sentir un peu plus l'amour de la lecture, on ne l'a qu'en filigrane à travers le récit. Montag n'a pas le temps d'aimer les livres, il ne fait que les découvrir rapidement et il n'a même pas le temps de réfléchir. Juste le temps de comprendre qu'il était con et que son salut se trouve dans les livres, mais il n'atteindra jamais ce salut. En tout cas le lecteur n'en sera pas témoin. Au lecteur qui justement recherche cet aspect misérablement abandonné dans Fahreinheit 451, je ne saurais que conseiller la lecture d'un autre livre. l'Oiseau d'Amérique de Walter Tevis. Livre tout aussi naïf dans l'idée mais où cette naïveté est assumée et où les sujets suivants sont plus présents que dans Fahreinheit : Abrutissement, Découverte, Lecture et Amour.

Bref. Fahreinheit 451 est selon moi une déclaration d'amour trop courte, une analyse sociale trop pauvre et un roman incomplet. Un livre surestimé.
-Alive-
5
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le 19 mars 2014

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-Alive-

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