J'ai l'édition de 1998, donc je ne me prononce pas sur celle de 2014.


C'est une bonne édition, avec une introduction générale, un index, une bibliographie, des notes de fin bien troussées. On découvre 19 fabliaux d'auteurs divers (dont Rutebeuf), avec les thématiques propres à ce genre : une sexualité explicite, l'obsession de la nourriture, des codes moraux foncièrement différents des autres, un discours assimilant les prêtres à des rapaces, des goinfres et des obsédés, un message misogyne sur la femme infidèle prompte à duper son idiot de mari, et des histoires qui ne finissent pas forcément bien, et dont la morale n'est pas évidente.


- Le paysan de Bailleul : Un homme est tellement bête que sa femme lui fait croire qu'il est mort tandis qu'elle baise avec un prêtre.
- Gombert et les deux clercs : Un homme accueille deux clercs chez lui. Pendant la nuit, un chassé-croisé s'opère dans les chambres qui fait qu'ils arrivent à se faire sa femme, le rossent et s'enfuient.
- Brunain, la vache du prêtre : un prêtre dit que Dieu rend ce qu'on lui donne en le multipliant. Naf, Brunain donne sa vache au prêtre. Elle réussit à entraîner la vache de ce dernier et rentre à l'étable : Dieu a en effet rendu en double ce qu'on lui a donné.
- Haimet et Barat : Travers s'acoquine avec deux voleurs, Haimet et Barat, mais décide de retourner chez sa femme. Les deux larrons essaient de voler un jambon qu'il a chez lui. Il s'y attend, et essaie de déjouer leurs plans. Après moult retournements de situation dus au fait que le "duel" se passe dans le noir, Travers décide de cuisiner le jambon en trois.
- Baillet le savetier, ou le prêtre au lardier : Un prêtre a l'habitude de venir baiser la femme d'un homme, Baillet, quand celui-ci va au marché. Baillet en a vent, fait mine de partir, puis revient : le prêtre nu se cache dans un lardier. Baillet fait mine de découper le lardier à la hache, mais le prêtre lâche un cri. Baillet fait venir toute la foule admirer ce miracle d'un lardier qui parle, et propose de le brûler. Un clerc, qui a reconnu la voix du prêtre, rachète le lardier au prix fort.
- Le boucher d'Abbeville : Un boucher, de retour d'un marché, se fait attaquer. Il demande refuge auprès du recteur d'une ville, qui l'éconduit. Il vole le plus gras des moutons du troupeau du recteur et revient en le lui offrant comme lui appartenait. Le recteur lui fait fête. Au matin, un berger évente la supercherie.
- Le prêtre et le loup : Un prêtre, un loup et une femme tombe dans un puits. Un paysan les trouve, tue le loup et rançonne le prêtre. Pour une fois, les nuisibles paient le prix.
- Estula : Chassé-croisé nocturne autour de deux frères qui dévalisent un potager et répondent à la place d'un chien qui s'appelle Estula ("Es-tu là ?"), provoquant l'étonnement du maître.
- Les perdrix : Une femme mange par gourmandise les perdrix que son homme lui avait dit de surveiller à la broche. Pour ne pas se faire disputer, elle accuse son amant, qui fuit en voyant le mari aiguiser son couteau, se donnant du coup l'air d'un coupable.
- La mal(le) honte : Un riche nommé Honte lègue une malle remplie de richesse au roi. Mais le benêt qui vient lui offrir l'héritage se fait rosser plusieurs fois à cause d'un quiproquo : le roi comprend à chaque fois qu'on veut lui donner la "male honte". Comique de répétition.
- Le prêtre crucifié : Un prêtre couche avec la femme d'un tailleur de crucifix. Pour ne pas se faire prendre, il prend la pose comme s'il était le Christ, mais le mari, pas dupe, dit qu'il faut couper les parties à cette statue, et s'exécute.
- Le prêtre teint : Un prêtre harcèle la femme d'un bourgeois, allant jusqu'à embaucher une entremetteuse. Le mari l'apprend, dit à sa femme de faire mine d'accepter. Le prêtre arrive, se baigne dans un bac de peinture qu'on lui a fait prendre pour un bain. Il doit se cacher en prenant la pose du Christ sur une croix, mais le couple dîne devant lui. Ayant une érection, le mari le remarque et propose de couper ce qui dépasse de la statue : le gros prêtre fuit en courant.
- Le moine sacristain : Un moine importune la femme d'un homme qui s'est appauvri, proposant de l'argent. Le couple veut prendre l'argent et l'assommer, mais le mari tue le moine par inadvertance. Il faut se débarrasser du cadavre, mais chaque personne qui le découvre le cache ailleurs, jusqu'à ce que le mari cache le corps dans un tas de purin où un voleur avait caché une carcasse de porc. Le voleur, endetté au jeu, ramène le cadavre en croyant amener un porc et se fait arrêter à la place du couple.
- Boivin de Provins : Un homme rusé se déguise en paysan mal dégrossi et compte ses sous devant un bordel, faisant mine d'en avoir beaucoup, alors qu'il n'en a que douze. La prostituée en chef, entourée de "marlous", essaie de le duper, mais il lui fait croire qu'il est son oncle et qu'elle est sa dernière héritière. Elle le comble de bienfaits, tuant des oies et lui offrant une partie de jambes en l'air avec une prostituée, mais après avoir volé sa bourse, elle le fiche dehors et se trouve bien attrapée de la voir si peu garnie. L'homme raconte tout au prévôt, qui goûte la plaisanterie.
- Estormi : Trois prêtres importunent la femme d'un bourgeois. Celui-ci convainct sa femme de leur donner trois rendez-vous successifs, contre monnaie. Il les tue l'un après l'autre. Il dit à son parent Estori, un garçon un peu lent, d'enterrer un des corps, mais à chaque fois que celui-ci revient, il en met un nouveau, faisant croire que le mort est revenu de sa tombe. De rage, à la 3e fois, Estormi tue un prêtre qui passait par là en croyant que c'est le mort qui s'est à nouveau échappé de sa tombe. Bah, ça fait toujours un prêtre de moins...
- Les tresses : Drôle d'histoire sur la fourberie féminine. Un homme est cocu. Il surprend son amant dans sa maison et décide de chasser sa femme. Celle-ci convainct une voisine qui lui ressemble d'aller se coucher à sa place dans le lit. L'homme, furieux, lui coupe les tresse et la bat presque à mort. Elle fuit. Le lendemain, quand il se réveille, sa femme est à côté de lui. Il constate qu'elle a toujours ses tresses et n'a pas de traces de coup : elle parvient à lui faire croire que tout n'était qu'un rêve.
- Les trois aveugles de Compiègne : Un homme voit trois aveugles cheminer et se demande lequel est doté de la vue pour guider les autres. Il dit leur donner un besant (une belle somme), mais n'en fait rien, chaque aveugle croyant que l'autre là. Ne se doutant de rien, les aveugles reviennent à Compiègne faire la bamboche, mais au moment de payer, ils sont bien attrapés. L'homme se propose de payer à leur place, puis use d'un subterfuge pour ne pas payer l'aubergiste, qui passe pour fou.
- La dame qui fit trois fois le tour de l'église : une femme veut se débarrasser de son mari pour aller voir son amant. Celui-ci se doute de quelque chose et se prépare à la battre. Mais elle invente qu'elle est enceinte, et devait faire trois jours de suite le tour de l'église à une certaine heure, puis creuser un trou dans le sol et revenir le lendemain pour en déduire le sexe de son garçon. Le mari, idiot, gobe tout.
- Le testament de l'âne : Deux hommes, un évêque bon et un prêtre rapace. Cet avare n'aime qu'un être, son âne, qui meurt et qu'il fait enterrer chrétiennement. L'évêque l'apprend et le somme de se justifier. Le prêtre s'en tire en donnant vingt livres à l'évêque, sous prétexte que ce serait le legs de l'âne. La morale, très étrange, en déduit que l'évêque a su pousser le prêtre à faire une bonne action (en le corrompant). Car dans la mentalité médiévale, ne rien donner est un péché. On voit clairement que les conceptions sont différentes des nôtres.

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le 18 févr. 2017

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