Il y a deux formidables idées dans Émergence 7 : traiter le thème de l'attaque de Kaiju du point de vue très terre à terre des victimes humaines (merci Cloverfield !) et déposer le texte sur l'illustration pleine page à fonds perdus. Effet immersif assuré ! Roman graphique, texte illustré, Émergence 7 est à la confluence des deux et le dessin très impressionniste d'Enora Saby ainsi que ses couleurs expressives donnent une réelle ampleur au récit de cette apocalypse. On peut juste regretter parfois un inconfort de lecture par manque de contraste entre la couleur de la page et celle de la police de caractère.
J'ai été beaucoup moins convaincu par le dispositif de flash-back adopté pour la narration, qui nuit beaucoup à l'intensité de ce qui est raconté. Je comprends bien l'intention de l'auteur de montrer les effets sur le long terme d'un syndrome de stress post-traumatique - et ça, ok, c'est bien rendu. Je vois bien aussi que ça lui permet d'introduire un twist final qui fait la part belle à l'amour et à la guérison. Mais c'est un twist bien téléphoné et si peu crédible.
Ce qui m'a plu, c'est le parti pris radical : ce texte est d'une noirceur impressionnante, étouffante. Des gens meurent ou sont mutilés, on craint pour leur vie à chaque page et leurs blessures psychologiques s'ouvrent sous nos yeux abasourdis. Il y a une vrai prise de risque à ne pas édulcorer cette catastrophe vécue à hauteur d'ados, c'est bien rare. Après, il y a des maladresses (les tirades anti-foi lourdingues et décrochées de toute caractérisation de personnage) et c'est parfois mal écrit, d'une manière artificielle qui laisse penser (peut-être à tort) que l'auteur s'est efforcé d'écrire "ado".
Ces bémols mis à part, Émergence 7 mérite d'être lu, c'est une expérience de lecture et de création belle, riche et intense.