Né dans une ambiance de constante culpabilisation des chômeurs et des assistés, qui creusent le « trou de la Sécu », et relayée par la classe politique et les petits-bourgeois de droite, ce petit traité sur la démotivation détonne.

Qu’est-ce que la motivation ? Comment et pourquoi la motivation est-elle sollicitée sur le marché du travail ? Le marché-tout-puissant et la concurrence permettent aux entrepreneurs et aux États de légitimer la pression faite aux salariés. Dans un esprit de collaboration, on leur demande d’être performants, flexibles, mobiles, rapides, de vendre leur personnalité dûment conforme à l’entreprise dont ils épousent les valeurs et les exigences sans contrepartie. Au final, le salaire, selon Guillaume Paoli, n’est pas la rétribution du travail mais celle de l’obéissance : les salariés doivent se soumettre.

La motivation au travail est alors indispensable pour soumettre volontairement les salariés à l’entreprise : à cela rien de nouveau, il suffit de se replonger dans le Discours de la servitude volontaire de La Boétie. Grâce aux « consultants d’entreprise » et à leurs méthodes de positivisme, le salarié est gratifié par de douces paroles et une surcharge de travail supplémentaire (dont il sera capable de s’acquitter), mais il attendra vainement la récompense par l’argent, car on sait bien que l’âne repu de sa carotte cesse d’avancer.

Et la motivation, si elle se transforme en addiction, c’est mieux ! Quel énorme tour de force que de faire de l’addiction au travail une norme professionnelle, cautionnée par les entreprises et les instituts de santé publique, lesquels taisent les dangers liés au travail – car on ne peut remettre en cause le marché tout entier qui « dicte ses lois ». L’addiction au travail, ça rapporte aussi : les Français sont les premiers consommateurs au monde d’antidépresseurs et d’anxiolytiques.

Qu’est-ce que la motivation à la consommation ? La grande bouche du capitalisme se nourrit à l’infini des désirs humains : pour une croissance éternelle, il lui faut innover sans cesse dans des produits, et de plus en plus rapidement.

Mais cette « destruction créatrice » dont parlait Schumpeter a besoin d’un public aux désirs toujours réactivés : l’obsolescence programmée et la publicité sont censées maintenir la motivation à l’achat nécessaire pour écouler les produits.

Or, de quoi est fait le désir lié à la possession d’un objet ? Quelle est la valeur immatérielle propre à chaque objet, et dont les publicitaires traquent l’existence pour mieux nous appâter ? À force de nous pousser à vouloir des produits remplacés la semaine suivante, les désirs sont saturés. Est-il possible qu’à force de solliciter nos désirs, nous voulions juste ne plus vouloir ?

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le 24 oct. 2012

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