Elantris
7.7
Elantris

livre de Brandon Sanderson (2005)

Récit à trois voix, circonscrit à deux cités juxtaposées et dans un cadre temporel imposé d'entrée de 3 mois, Elantris a en apparence tout du roman à intrigues politiques, assez classique dans la littérature imaginaire : on apprend rapidement qu'une religion expansionniste vient de causer la chute d'une République voisine et que les deux seuls royaumes à le refuser comme religion d'Etat choisissent de sceller leur alliance par un mariage princier. Nous suivons donc chacun des deux époux tandis qu'un nouveau prêtre est chargé de convertir pacifiquement ces royaumes... avant en cas d'échec de sa part l'invasion qui baptisera les infidèles dans leur propre sang.


Le seul problème à ce charmant petit ménage consiste en la "mort" du prince - unique héritier au trône de l'Arélon - juste avant l'arrivée de sa promise. Mort aux yeux de la loi ayant connu la malédiction du Shaod, mort pour ses semblables car ostracisé et condamné à errer dans les rues de la cité fantôme d'Elantris, mort physiologiquement avec son cœur qui ne saurait battre et ses poumons respirer... pourtant le prince Raoden vit. Enfermé dans ce camp de concentration à ciel ouvert, il va côtoyer ses semblables, les Elantriens, ceux qui comme lui ont reçu cette malédiction, ce don pourri qui gangrène leur corps et les condamne à une souffrance éternelle.


Tandis que les jours passent, que l'Arélon vit ses dernières semaines d'indépendance, les intrigues, complots et manigances se multiplient de tout part. Le prêtre cherche à se convaincre que sa mission épargnera le plus grand nombre et choisit comme angle d'attaque de faire d'Elantris la minorité maléfique à opprimer qui unira le pays sous la juste foi. La princesse veuve sans avoir vu le visage de son mari s'installe à la cour de son défunt promis et ourdit pour modifier le système politique du royaume qui court socialement à sa perte face à une paysannerie opprimée. Le roi s'accroche à son trône en sombrant dans la paranoïa face à des ducs, pour certains ambitieux pour d'autres patriotes, qui sentent tous le parfum du sang à venir.


Dans ces fils à dénouer, Brandon Sanderson s'en sort avec les honneurs, rendant le tout très fluide tout en proposant des petites surprises au moment opportun pour modifier l'équilibre de son échiquier politique. Néanmoins, il n'y brille pas plus qu'un autre, et si certains thèmes sociaux, religieux, éthiques peuvent avoir leur pertinence, le tout reste essentiellement superficiel.


L'intérêt du roman se trouve bien dans son titre. Au sein des murailles d'Elantris, loin des intrigues de la cour, et pourtant séparés par un simple mur de ce brouhaha extérieur, les bannis d'Elantris vivent. Ils n'ont rien, ni espoir ni avenir, ni nourriture ni eau... Famille et amis sont devenus vides de sens, leur patrie leur a tourné le dos, l'humanité les a renié. Des morts que même la mort n'ose approcher. Raoden est jeté dans cette antichambre de l'enfer et choisit de la considérer comme une nouvelle patrie, les Elantriens comme une nouvelle famille, et de trouver l'espoir au beau milieu du néant.



Nous sommes libres! Oui, libres. Depuis toujours l'homme se bat pour s'alimenter. Se nourrir est une activité exigeante qui occupe l'esprit du matin au soir. Pour pouvoir rêver, on doit manger. Pour pouvoir aimer, il faut se garnir l'estomac. Il en va autrement avec nous. Quitte à avoir un peu faim, on peut se libérer du fardeau qui pèse sur tous les êtres vivants depuis le commencement des temps.



Pourquoi nous battre? Pourquoi tuer? Dehors, on se bat pour l'argent, qui sert à acheter la nourriture. On se bat pour la terre, qui sert à cultiver la nourriture. Manger, voilà la source de tous les conflits.



Mais on n'a plus aucun besoin de ce genre. Notre corps est froid - à peine s'il nous faut des vêtements ou un abri pour se tenir chaud - et il dure même sans aliments. Les armes dans vos mains appartiennent au dehors. Elles n'ont aucune utilité à Elantris. Les titres, les classes sociales n'ont pas non plus leur place ici...


WeaponX
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le 9 nov. 2019

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