Un compte-rendu de parti pris, nettement pro-bolchévique, et qui repose beaucoup sur des choses vues. Autant dire que si vous cherchez un récit exhaustif de la révolution d'octobre, ce n'est pas forcément là qu'il faut chercher.


ça ne veut pas dire que c'est inintéressant, loin de là.


Ce livre est introduit par une préface de Lénine et une de Nadejda Kroupskaïa, qui insistent sur la véracité du récit. Il se décompose en 12 chapitres. Il y a d'abord une sorte de lexique des différents partis et organismes qui s'affrontent, mais un lexique par personnage aurait été peut-être plus pratique. C'est touffu.


I - Les origines. Le livre ne raconte pas l'insurrection qui amène les menchéviks au pouvoir, il commence dès février. Les rations qui diminuent, etc...


II - La tempête approche. Danger de Kornilov. Le Tsik, dominé par les mencheviks, a des propos lénifiants qui ne satisfont plus le peuple (discours de Terechtchenko, ministre des Affaires Etrangères). Description de l'Institut Smolny.


III - Le grand soir. Le soviet de Petrograd se dresse contre le gouvernement. Des garnisons passent aux bolcheviks. Le Tsik essaie d'étouffer les propos des bolcheviks.


IV - La chute du gouvernement provisoire. Mercredi 7 novembre. La Douma se prononce contre les bolcheviks en essayant de revendiquer la légitimité populaire. Grande confusion de barrages des deux camps dans la ville. Des automobiles blindées circulent. Compte-rendu d'une séance du soviet, qui siège en permanence et déclare la déposition du gouvernement. Reed arrive à s'incruster dans le Palais d'hiver, peu après sa prise. Quelques pillards.


V - A l'oeuvre. Jeudi 8 novembre. Constitution du gouvernement révolutionnaire, de gens qui découvrent une tâche écrasante. Contraste avec la douma, où se rassemblent tous les modérés hostiles aux bolchéviks. Apparition de Lénine. Proclamation à tous les peuples belligérants. Décret sur la terre.


VI - Le comité de salut. Vendredi 9 novembre. Les Cosaques et Kérenski prennent Gatchina, à 30 km au sud-ouest. L'insurrection se communique à la Russie, avec des fortunes diverses. La douma crée un comité de salut antibolchévik, qui multiplie les proclamations. Des élections de la constituante sont fixées au 12 novembre.


VII - Le front révolutionnaire. Samedi 10 novembre. Muselage de la presse par Lénine, moratoire des loyers, milice ouvrière. Affiche "Au pilori", contre les SR et les menchéviks. Trotski réquisitionne les ouvriers pour creuser des tranchées contre Kerenski. Reed va à Tsarskoie-Selo, prise par Kerenski, mais où ses troupes s'arrêtent car c'est samedi, le jour où l'on va aux bains publics.


VIII - La contre-révolution. Kérenski essaie de forcer la main aux fusiliers de Tsarskoie-Selo, a priori neutres, mais ils se rebiffent. Les ambassades complotent. Prise du central téléphonique par les bolcheviks, mais les employées refusent de travailler. A Moscou, les soviétiques sont en difficulté, cernés dans le Kremlin. Trotski arrête les Cosaques à Tsarskoie-Selo et les fait même reculer.


IX - La victoire. Dimanche 13 novembre. L'émergence d'une armée de prolétaires. Kérenski songe à négocier. Reed fait route à Tsarskoie-Selo en ambulance. Un colonel se fait prendre à vouloir filer avec la caisse d'une garnison. Reed cherche le front, doit descendre à un barrage, mais deux gardes illettrés veulent le fusiller. Heureusement ils trouvent une paysanne qui lit son sauf-conduit. Le lendemain, on apprend que Kérenski a fui, déguisé en matelot.


X - Moscou. Lundi 14 novembre. Les bolcheviks de Moscou auraient bombardé le Kremlin, l'église de Basile-le-Bienheureux et bien d'autres monuments. Lorsqu'il l'apprend, Lounatcharski, commissaire à l'éducation, veut démissionner. Reed décide d'y aller. Prend un train bondé, encombré de soldats. A Moscou, la gare n'est même pas contrôlée par les bolcheviks ! Partout, les traces de combats très violents. Reed assiste aux obsèques de 500 bolcheviks, et y voit une nouvelle liturgie en genèse.


XI - La conquête du pouvoir. Déclaration des droits des peuples de Russie. Difficultés des bolchéviks, avec grève des banques et de l'intelligentsia, foncièrement hostiles. Sabotages. Le 17, Lénine doit légitimer en séance sa censure de la presse. Pénurie, pillages, alcoolisme condamné par le soviet. Dissolution du comité de salut et de la douma. Kalédine, chef des cosaques antibolchévique, finit par se suicider devant la poussée de ses troupes. Rébellion de Doukhonine, du GQG, étouffée.


XII - Le congrès paysan. Ralliement des paysans au soviet. Tchernov, chef paysan antirévolutionnaire, finit par se décrédibiliser.


C'est un livre touffu, qui alterne les reproductions du texte des nombreuses proclamations contradictoires qui interpellèrent le peuple pendant ces jours de grande confusion avec des récits de choses vues par John Reed dans les rues, des récits de galère, de conversations entendues, etc... Il est dur, en première lecture, de garder une image synthétique de ce magma d'informations. Sans doute le but du journaliste était-il justement de rendre compte de ce bouillonnement, mais c'est un livre que je déconseillerais pour quelqu'un qui n'a jamais rien lu sur la Révolution d'octobre. Un lecteur confirmé, pour sa part, en tirera beaucoup plus de plaisir.


Comme je l'ai dit, John Reed ne cache pas son admiration pour les bolcheviks, notamment les figures de Lénine et Trotski, qui dominent. Un exemple, la phrase concluant le chapitre X : "Je compris soudain que le religieux peuple russe n'avait plus besoin de prêtres pour lui ouvrir la voie du ciel. Il était en train d'édifier sur terre un royaume plus splendide que celui des cieux, et pour lequel il était glorieux de mourir". De même, Reed fait plutôt preuve d'empathie pour Lénine quand il refuse de rétablir la liberté de la presse.


Un témoignage de première main de la révolution russe, qui fit beaucoup pour la rendre compréhensible au public étranger, et qui ne fut d'ailleurs jamais réédit sous Staline : en effet, le nom de celui-ci n'y apparaît quasiment jamais, ce qui était tout de même un peu gênant pour le petit père des peuples...

zardoz6704
7
Écrit par

Créée

le 7 août 2015

Critique lue 384 fois

8 j'aime

zardoz6704

Écrit par

Critique lue 384 fois

8

D'autres avis sur Dix jours qui ébranlèrent le monde

Du même critique

Orange mécanique
zardoz6704
5

Tout ou rien...

C'est ce genre de film, comme "La dernière tentation du Christ" de Scorsese", qui vous fait sentir comme un rat de laboratoire. C'est fait pour vous faire réagir, et oui, vous réagissez au quart de...

le 6 sept. 2013

56 j'aime

10

Crossed
zardoz6704
5

Fatigant...

"Crossed" est une chronique péchue, au montage saccadé, dans laquelle Karim Debbache, un vidéaste professionnel et sympa, parle à toute vitesse de films qui ont trait au jeu vidéo. Cette chronique a...

le 4 mai 2014

42 j'aime

60

Black Hole : Intégrale
zardoz6704
5

C'est beau, c'est très pensé, mais...

Milieu des années 1970 dans la banlieue de Seattle. Un mal qui se transmet par les relations sexuelles gagne les jeunes, mais c'est un sujet tabou. Il fait naître des difformités diverses et...

le 24 nov. 2013

40 j'aime

6