Dirty week-end
7.5
Dirty week-end

livre de Helen Zahavi (1991)

Dirty Weekend est un roman britannique, publié en 1991 par Helen Zahavi, qui lorgne du côté de ce qu'on appellerait en cinéma bis du rape & revenge. Il raconte l'histoire de Bella, une fille paumée de Brighton, ex-prostituée, qui s'est peu à peu forgé un ethos de victime sous les assauts répétés des hommes. Lorsque l'un de ses voisins commence à l'observer de sa fenêtre puis à la harceler au téléphone, les dernières résiliences de Bella s'effondrent : elle ne peut plus être passive, et dans l'impossibilité d'assumer plus le statut de victime, elle n'a plus que la possibilité de devenir bourreau à son tour et de procéder à un jeu de massacre de tous les hommes qu'elle croisera sur son chemin.


Dirty Weekend est un roman qui ennuie pas mal, essentiellement parce qu'il est construit selon un mode pornographique ou horrifique assez con. Le fil de l'intrigue ne cherche pas à assurer la moindre crédibilité à un récit pourtant relativement réaliste mais il se contente de constituer un prétexte lâche pour enchaîner les scènes types, les scènes à motif attendus, construites généralement sous le modèle « tentative d'agression de tout homme violeur / meurtre punitif ». L'autrice a beau essayer d'enjoliver un peu le tout en conférant une progression symbolique à l'ordre des signifiants sept meurtres étalés sur deux jours, il n'en reste pas moins que le roman pourtant très court se montre vite répétitif et pauvre dans ses effets, ne parvenant jamais à être totalement ni viscéral, ni ironique, ni pathétique, puisque des prises de distance assez malvenues avec l'héroïne sont souvent brutalement plaquées. Quitte à considérer, même en tant que provocation, que tous les hommes sont des violeurs à abattre – quelle que soit leur catégorie sociale –, autant y aller franco et ne pas se draper d'une fausse pudeur en se foutant de la gueule de l'héroïne dont on montre avec beaucoup de complaisance les épanchements de violence à côté.


On retrouve ces stylèmes chiants qui me paraissent de plus en plus caractéristiques d'une écriture féminine : alternance de P1 et de passages où le personnage parle de lui à la troisième personne pour montrer son décalage identitaire entre ce qu'il ressent et ce que la société lui renvoie comme image, phrases averbales en exclamatives à la con, pauvreté un peu minaudante du langage en pseudo-subvertion de ce que serait la perception de l'homme sur le phrasé féminin, didactisme lourdaud de la psychologie des personnages pourtant tout à fait explicites dans leur actancialité – normalement vous savez sans qu'on vous le dise que le vilain dentiste en Oedipe qui attache une meuf dans sa mercedes pour lui foutre sa bite dans la gorge c'est un méchant.


C'est un peu comme du Ellis en bref, en plus naze parce que moins extrémiste dans l'entreprise de déconstruction de la langue mais en plus légitime parce que c'est pas produit par un vieux déchet camé et geignard. Dans tous les cas ça m'intéresse pas trop. Je m'en branle.


C'est pas totalement déplaisant, c'est « intéressant » vite fait à lire en regard de la microlémique Coffin et de ce qu'il se passe avec le féminisme radical aujourd'hui – le fantasme précède de trente ans la branlette sur le female gaze et l'empowerment. C'est toujours plus abouti et moins médiocre qu'un Revenge de Fargeat.

S_Gauthier
4
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le 14 déc. 2020

Critique lue 321 fois

S_Gauthier

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