"D'après une histoire vraie" est ma seconde rencontre avec Delphine de Vigan, après "Les enfants sont rois" que j'avais très chaleureusement applaudi l'an dernier. J'étais ainsi curieuse de me frotter à un autre de ses romans et c'est par hasard, sans me renseigner sur son œuvre, que j'ai choisi celui-ci. Je n'ai pas eu à le regretter.
Si l'immersion est plutôt lente, à la limite du poussif, le récit entraîne ensuite assez rapidement le lecteur dans une narration aux allures d'autobiographie fascinante, à laquelle le lecteur a du mal à croire - non pas à l'histoire - mais au cadeau que lui ferait l'autrice de se dévoiler autant, de partager une tranche de vie marquante, pour ne pas dire traumatisante. Le lecteur se surprend à s'intéresser sincèrement à la vie de l'autrice, à compatir à ses émotions.
Difficile d'en dévoiler davantage, je préfère vous laisser intact le mystère de ce roman donc le titre ne s'explique qu'en seconde partie.
J'ai vraiment été captive de ce roman qui offre un aspect sociologique certain, tout comme dans "Les enfants sont rois". Delphine de Vigan propose, en filigrane de son roman, une véritable réflexion sur l'attraction, entre morbidité et voyeurisme, que la réalité exerce sur le public. Sans parler de la séduction fatale qu'elle représente pour les éditeurs qui sont ainsi quasi certains de vendre, de très bien vendre même.
Il y a, de plus, en premier plan de l'action, une réelle tension psychologique qui s'installe, patiemment et savamment distillée, et qui explore les ressorts machiavéliques de la manipulation, de l'emprise psychologique et des ravages que provoque la fréquentation de pervers-narcissiques. L'ensemble est finement traitée, et servi par une langue vraiment délectable.
En tant que lectrice, j'ai toujours été fascinée par la frontière qui sépare l'auteur et le narrateur ; ici, Delphine de Vigan joue avec ce paradoxe avec brio. Elle repousse les limites en usant de très peu de filtres, conservant dans le récit les identités de son compagnon, de son éditrice, d'elle-même ou encore de plusieurs autres auteurs. Son travail fictionnel atteint un très haut niveau, couronné par un dénouement aussi génial que révélateur.
Delphine de Vigan a elle-même avoué que l'écriture de ce roman avait été éreintante, je n'ai aucun mal à le croire. Je salue non seulement son style mais encore la structure narrative qui rend "D'après une histoire vraie" aussi effrayant que dérangeant. Du bel art !