Socrate, l’érudit qui ne sait rien
Je sors insatisfait de ce dialogue, où la question principale du débat n’a été que superficiellement effleurée. Hermogène était pourtant très clair au début : d’où viennent les noms ; est-ce d’une certaine convention, ou quelque autre source ? Au lieu de répondre avec la même clarté, Socrate a préféré entraîner son interlocuteur dans un dédale étiologique sans fin ; appuyant arbitrairement que la source première des noms est dans la nature, réduisant l’Homme, en deux tours de passepasse, en un vulgaire imitateur.
En tout cas ce dialogue confirme l’idée que Socrate est un philosophe d’ordre, de verticalité, où le simple fait qu’un concept puisse surgir d’un lieu inconnu lui est intolérable.
Sinon, pourquoi la création des noms doit forcément passer par un « Législateur » ? Pour quel droit réduire les noms à la simple fonction de l’imitation des choses dans la nature ? Des noms comme essence, âme, identité, qualité représentent-ils une imitation d’une chose qu’on trouve dans la nature ?
Par son art incontestable de la digression, Socrate réussit à éviter l’essentiel, pour ne discuter que du dérivé. Le dialogue se trouve transformé en une impressionnante démonstration d’étymologie, où Socrate passe les trois quarts de la conversation à faire son dictionnaire.
Cela dit tout ce qu’il dit n’est pas dénué d’intérêt ; la manière avec laquelle il décortique les noms pour arriver à leur sens premier (je ne connais rien au grec, mais puisque son interlocuteur n’a rien objecté, je dis que ses définitions sont justes) permet de mieux comprendre les structures qui forment la langue grecque, à savoir que la plupart des noms est basée sur le principe du mouvement et du repos ; d’où l’on peut comprendre que le mouvement est positif et le repos négatif. Toutefois je ne peux m’empêcher de penser que Socrate a usé de d’un stratagème voulant impressionner son interlocuteur pour s’accorder une certaine légitimité, afin qu’il puisse avancer son opinion sur la question sans risquer d’être contredit.
Bref, le dialogue souffre à mon sens d’un hors-sujet, puisque la question principale est reléguée au second plan ; mais l’ensemble reste tout de même intéressant.
A lire, pour les curieux.