Moralité: Charles Perrault n'est pas Jean de la Fontaine

Il était une fois. Voilà comment une formule bien faîte, fait de vous une légende toute faîte, pour des siècles. On connaît les versions de Disney. On croit les connaître ces contes, car ils imprègnent notre culture populaire et baignent notre imaginaire, les années d'enfance, les petites classes. Mais demandez-moi de vous raconter l’histoire du Chat Botté, ou de Peau d’Âne, et je serais bien emmerdé. Perrault est devenu universel, grâce à la simplicité enfantine des contes du même nom. Evidemment, à la lecture, le sentiment est tout autre. On se rend vite compte qu’ils ont étés écrits il y a longtemps, (1694), et sont serrés à la ceinture par la métrique, un langage très classique, un vocabulaire assez précieux, et le besoin de faire genre littérature, en peu de mots. L’intention dépasse l’action. Chaque conte est précédé d’un préambule, et est dédié à quelqu’un de précis : à monsieur X, ou à la comtesse machin, et se termine par la fameuse morale, elle aussi dédiée.
Ah ! La fameuse leçon de morale. Morale qui n’est pas une conclusion, mais la raison même du livre, ou du conte, et scelle les deux.

   Perrault n’est pas amuseur, et ses contes ne sont pas destinés à faire rêver, contrairement aux apparences. Il est avant tout un académicien qui instruit, et édifie. Il fait l’éducation des dames, de la jeunesse des salons petit bourgeois, et de la haute société qui le lui rend bien. La moralité tient donc tout le texte par la ceinture de chasteté. La leçon est toujours devant, en avant. Et si c’est cruel, comme dans le petit chaperon rouge, pas de panique ! La leçon de morale expliquera tout. Donc les jeunes filles (bien faîtes et gentilles), écoutent toute sortes de gens. En société, écouter les ragots, c'est très mal. Il faut écouter et honorer ses parents, pas les gens. T’as compris ? Etc.
Et moi ça me tue la magie son truc. Qu’est-ce qu’il a à tout démystifier comme ça le vieux ? Cette tendance à tout expliquer rend son truc encore plus qu’ennuyeux. Peau d’Âne, (bien que court), m’a ennuyé. Le merveilleux dans lequel baigne le soi-disant conte, ce n’est qu’un décor. Le cadre est merveilleux, mais le tableau ne fait pas rêver. Le devenu cliché gentil, gentil, et les méchants, très méchants, et bêtes, voire les deux, c'est simpliste. Le prince, le roi, la princesse, la bonne fée, la méchante, et le méchant ogre. Très Disney avant l’heure. Le Chat Botté m’a fait rire, certes. Le Petit poucet m’a ennuyé. Ça manque d’animalerie chez Perrault. Les contes pour enfants, quand il y à des animaux et qu'ils mènent les débats, c’est beaucoup mieux. Pire, malgré son écriture sans une éraflure, on sent que c’est torché par moments, comme pour évacuer la bagatelle, (par ellipse et raccourcis), [Barbe Bleue, le Petit Poucet], et passer vite, vite au plus important, la leçon de moralité de fin de programme.

Donc moralité.

  Point de féerie, comédie réduite au minimum; on cherche avant tout la fortune, la gloire, retrouver une situation dans la société, (or, perles, pierreries, des manteaux à fleurs d’or, broderies, l’argent…). L’argent, l’argent, il n’a que ce mot à la bouche, ce Perrault. Ce n’est pas écrit pour les enfants. Chercher la bonne fortune, en soit c’est bien, mais quand il n’y a que ça...
La mythologie, la littérature classique, le folklore, tout ça est mélangé, revisité, vidé, et donne une sorte de  gloubiboulga qui ne passe que parce qu’on a l’excuse de la fable. Belle leçon de morale que l’on a là. Belle plume classique, et terriblement académique d’académicien. De beaux thèmes trouvés, mais mal exprimés, disséminés en cours de route. Bonne plume, peut-être, mais talent de conteur, là, j’ai des doutes.