Britannicus
7.3
Britannicus

livre de Jean Racine (1669)

<< J'embrasse mon rival, mais c'est pour l'étouffer. >>

Pièce de théâtre difficile à juger s'il en est. J'ai eu une certaine impression de décalage avec notre époque en la lisant. Rien d'anormal cependant, vu que je ne suis pas habituée au théâtre du classicisme ni à un dialogue uniquement constitué d'alexandrins - et que la scène se déroule dans l'antiquité, rien que ça.

Les alexandrins, la forme du dialogue, parlons-en. Un peu surprenant pour moi, parce que je n'en ai pas l'habitude, mais le rythme de lecture se prend vite. Enfin, parce qu'il faut bien faire un commentaire là-dessus, même si c'est une particularité de Racine, la forme me fatigue un peu sur la fin. Les alexandrins sont correctement construits (après, je n'ai pas été tous les recompter...), plus ou moins fluides et les rimes bien organisées, absolument pas lourdes en vérité. Et puis il manque la dimension poétique qu'on aurait pu préter à une forme en alexandrins, et bien que ce ne soit pas le but de s'épancher en élans lyriques ou autres dans une pièce de théâtre, je trouve qu'il manque parfois un peu de fulgurances, et puis que les alexandrins s'essouflent un peu, à force de trop tirer sur leurs cordes. Ressenti strictement personnel, et j'aurais sans doute la même difficulté avec toutes les pièces de Racine. [Edit : Bah en fait non. C'était vraiment une question d'habitude...]

Le contenu de la pièce peut sans doute se caractériser par deux mots : Manipulation - Tragédie. A partir de là, et avec la liste des personnages, on peut tout de suite se rendre compte de la situation, surtout si l'on connait l'histoire romaine. Comme dans beaucoup de tragédies, on a des gens qui manipulent (non...), et ceux qui en subissent les frais directement - ici Britannicus et Junie - puis ceux que les évènements changent ensuite - ici Néron, qui tourne tout de même une page de sa ''vertu'', tant vantée dans le livre.

En quelque sorte, le plus intéressant dans cette pièce est sans doute la relation qui lie Néron et sa mère, qui me semble la plus complexe ; le paradoxe du caratère d'Agrippine, qui aimerait à la fois régner et faire de son fils un grand empereur, offert à la gloire de Rome, s'oppose au désir de liberté de Néron, qui veut régner seul, mais se laisse tout de même influencer par ses conseillers. Tout commence lorsque Néron prend Junie en ''otage'' dans son palais, amante de son frère Britannicus, pour contredire sa mère qu'il refuse de voir, mais tombe amoureux d'elle ; la situation dégénère rapidement suite à la rivalité des deux frangins, car tout deux possèdent de sérieux appuis politiques, notamment au sénat.

Egalement, la différence de points de vue est intéressante à observer ; bien que Néron ne soit pas le personnage de la pièce, on peut comparer la vision de chacun à son sujet, et le décalage entre les perceptions. Néron peut nous apparaitre en temps que tel comme un personnage manipulateur mais vraiment amoureux ; tandis que du point de vue de sa mère, il n'est que son fils et l'empereur, qui doit par conséquent accéder à des tâches, mais aussi qui doit lui permettre d'avoir elle-même une certaine influence. D'autres personnages il est également perçut comme un moyen d'accession au pouvoir, par les derniers comme un être manipulateur, cruel.

La pièce est rendue plus tragique par le jeune âge de Néron et de Britannicus ; on observe la querelle dont Narcisse devient le principal acteur, et les personnages ne semblent plus que la subir dans jamais pouvoir vraiment changer les choses ; la fin parait évidente malgré les rebondissements, même si, une fois arrivée, elle me semble se dérouler un peu rapidement - bien que la misère de certains personnages soit retranscrite indirectement mais d'une belle manière. Parfois, le décalage entre l'âge des figurants et leurs actes, pour cruels ou désespérés qu'ils soient, rend plus touchante la détresse qui suinte d'entre leurs paroles.

Si j'aurais un reproche à effectuer, ce serait concernant la place de Britannicus dans la pièce. Elle ne me semble pas justifiée, et bien qu'il soit la pièce centrale, un peu balloté dans tous les sens, et que la pièce commence et finit uniquement autour d'évènements majeurs le concernant, il est, à mon gout, trop peu présent. Les autres personnages ont cette manière de diminuer sa place dans l'histoire qui ne me plait pas ; et si la tragédie est entièrement tournée pour lui, il n'en reste pas moins que j'ai l'impression diffuse qu'il lui manque quelque chose. Pour le reste, je n'aurais pas de remarques particulières : bonnes relations entre les personnages, jolis dialogues. Manque sans doute un peu de tension mais pas mal de suspens. Je manque un peu de recul pour mieux juger ; voilà ce que je peux en dire pour le moment. Pas transcendant mais loin d'être mauvais. A mon gout, toujours.
Shalynia
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le 1 sept. 2012

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