En préambule il faut vous dire que je suis fan de Stephen King depuis très très longtemps, j’ai lu tout ce qu’il a écrit, quand je dis tout c’est presque tout bien sûr, aucune prétention de ma part, la liste de ses livres est tellement longue que je n’ai pas pris le temps de vérifier si j’avais vraiment tout lu. Disons que j’en connais un rayon sur le bonhomme et son œuvre.

Quand Billy Summers est sorti en France au mois de septembre j’ai été surpris par le concert de louanges qu’il a reçu, j’ai tout vu, tout entendu, du dithyrambe en bidon de cinq litres, du superlatif à la tonne, du pommadage à l’huile d’amande douce géant. Noël avant l’heure quoi. Le fan que je suis était ravi. Mais un peu chagrin quand même. Je milite depuis années, sous les rires et les quolibets, pour que l’on file le Nobel de littérature à King. On l’a bien donné à Bob Dylan, je ne vois pas pourquoi un écrivain qui enthousiasme les foules depuis plus de quarante ans en faisant un portrait assez extraordinaire de son pays d’origine, l’Amérique, ne devrait pas l’avoir.

Stephen King est un très grand écrivain et un formidable conteur. Un point c’est tout. Le radiologue de l’Amérique profonde, celui qui dissèque les bons et les mauvais côtés de l’américain moyen, c’est Docteur King. Un écrivain qui parle au petit peuple, aux prolos, aux ados, à tous ceux qui ont besoin de s’évader par la lecture. Donc qui me parle. Un écrivain populaire, dans le bon sens du terme. Quand je suis en panne de bouquin, que la littérature blanche, le polar ou la SF ne m’amènent rien de nouveau ou me tombent carrément des mains, je me rabats sur un Stephen King. Et je ne suis jamais déçu. Jamais. Certains de ses livres sont moins bons que d’autres, oui, mais dans l’ensemble son œuvre trace sa route vers les sommets qui émerveillent le lecteur solitaire.

Un beau matin, tout d’un coup, avec Billy Summers, l’intelligentsia se pâme devant King de façon presque indécente, toute cette pommade sent le rance quand on se souvient comme ses détracteurs détestaient sa littérature populaire, beaucoup trop vendue pour ces gens de lettres épris de textes vibrants et immortels. Le terme snobisme date un peu cependant il convient parfaitement. On lit ici et là qu’enfin Stephen King fait de la « vraie » littérature en écrivant un thriller comme les autres, sous-entendu en écrivant comme tout le monde. Je suis plié de perplexité et de rire, les deux à la fois. Ils se caressaient tous devant la prose faiblarde, un brin hermétique, de Bob Dylan, trois bouquins qui se courent après, le plus mauvais joueur d’harmonica du monde. Ils dézinguaient la prose universelle de King, soixante romans et trois cent cinquante millions d’exemplaires vendus. Spectacle navrant qui me fait rigoler les genoux.

Comme ces messieurs n’ont jamais rien lu, à part l’échographie de leur nombril, et peut-être un ou deux Harry Potter, ils ne savent pas que Misery et toute une kyrielle de bouquins de King sont aussi des thrillers où il n’y a pas un poil de fantastique ou d’horreur (comme ils disent d’un air dégoûté). La trilogie Mr Mercedes, en particulier Carnets Noirs, est sans doute ce que l’on a pondu de plus intéressant dans la catégorie Thriller depuis bien longtemps.

J’ai beaucoup aimé Billy Summers, c’est un très beau récit, une histoire comme celle que Stephen King adore nous raconter depuis des décennies. Je l’ai lu goulument, avec un immense plaisir, mais j’ai envie de dire comme d’habitude avec le King. Billy Summers n’est pas son meilleur livre, c’est juste une nouvelle preuve de son talent de raconteur d’histoires. Un polar recouvert d’une aventure guerrière, recouverte à son tour par une histoire d’amour impossible, émouvante et tragique, comme elles le sont toutes. J’ai trouvé que les cinquante dernières pages avaient un intérêt moindre, j’ai senti un auteur arrivé au bout de son histoire mais qui n’a pas envie de quitter ses personnages. Un beau livre, un peu différent des autres mais pas tant que ça, avec un style un peu plus sobre, des phrases un peu plus courtes, moins de digressions. Et voilà, ça suffit aux spécialistes pour adouber aujourd’hui un immense auteur qu’ils ont ignoré hier, qu’ils ne connaissent toujours pas et qu’ils ne connaitront sans doute jamais.

Stephen King, prochain Prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre ? Qui sait ?

Créée

le 14 mars 2024

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