Baisant, seule

Résumé : Une femme. Une femme traquée depuis l'enfance par «la bête». Soumise à sa pulsion, violée par ses images. Une femme inadmissible, une exilée. Ne raconte pas la jouissance. En vit la brûlure, l'angoisse, la transe. Désir volcan de la pensée. Mais quand désespérée de voir le jeu sans fin, appelle dans l'obscur - qui, quoi ? Une traversante.«J'aime cette écriture, nette et sans effets inutiles, loin du narcissisme. La force du thème traité, l'obsession, la mémoire, la jouissance, l'approche d'un secret qui a besoin de l'écriture pour se dire, l'absence de maniérisme donc de mensonge.Un texte fort et vrai, assez difficile, qui doit être reçu comme il est, comme un coup. Il s'adresse à ceux qui le méritent.»J.M.G Le ClézioExtrait du livre :Accusée ! Levez-vous !Tremblante, face contre terre, je soulève péniblement le poids d'un corps que dorénavant je n'habite que par intermittence. Les yeux cernés de noir, je me tiens vacil­lante face à eux, mes juges.Je ne bouge pas, je ne parle pas, je ne me défends pas. J'attends qu'ils m'achèvent. J'espère qu'ils m'achèvent. La salle d'audience est bondée d'une foule curieuse de voir à quoi ressemble l'auteur du crime. Je ne les vois pas.Je les entends. Leurs murmures sourds viennent crever le silence où me voici plongée depuis que la porte s'est refermée sur mes chimères d'enfant. Leurs voix - sifflement venu du lointain me rappeler mon humanité auréolée de rêves de pureté et d'idéaux guerriers.Je ne les distingue pas. Je les devine. Je peux sentir derrière leurs intonations d'inquiétude effarée, le suintement d'une curiosité avide de sang - de foutre - de souffre.Maintenant le silence a gagné l'auditoire.Vite, qu'on en finisse.Mais ils font durer le supplice, ravis qu'ils sont de lire la terreur sur mon visage usé par l'attente.()