Plus encore que les générations suivantes, j'imagine que tous ceux qui ont vu le jour au lendemain de la seconde guerre mondiale se sont à un moment donné posé cette question : Aurais-je été résistant ou bourreau ? Pierre Bayard, bien que né en 1954 et donc baby-boomer tardif, ne fait pas exception à la règle. Mais il est allé plus loin et s'est transposé en esprit dans le passé. Potentiellement né en 1922, comme son père, il imagine alors quel aurait été son destin tout en respectant certaines règles scientifiques, comportementales, circonstancielles ou familiales.


Comme toujours avec les essais de Pierre Bayard, ce livre ne se cantonne pas, si je puis dire, à revisiter l'histoire d'un individu mais va bien au-delà et propose même plusieurs niveaux de lecture. Dans un premier temps, on peut y voir un livre sur la résistance - durant la seconde Guerre Mondiale mais pas uniquement. Le psychanalyste s'interroge sur les modalités de l'engagement, sur la tendance à la soumission et la capacité de désobéissance. Logiquement, il revient longuement sur l'expérience de Milgam, durant laquelle un psychologue évaluait en 1963 le degré d'obéissance d'un sujet devant une autorité qu'il jugeait légitime. Où se situe le point de bascule qui permet aux uns de s'insurger quand les autres collaborent ? Pourquoi certains seulement passent-ils à l'acte ? Et pourquoi d'ailleurs certains seulement répondent-ils à l'appel de la désobéissance ? Cela aurait-il à voir avec une forme de foi ? Dieu a-t-il quelque chose à voir dans tout cela ? Vaste question. Dans cet essai, comme on peut le constater, l'auteur s'interroge autant sur l'aptitude des citoyens à se soumettre que sur l'existence de Dieu !


Mais n'oublions pas que Pierre Bayard est également professeur de littérature à Paris VIII. Il y a donc une autre manière d'envisager ce brillant et passionnant essai : on peut y voir une réflexion sur la lecture. En effet, les exemples de romans mettant en scène des personnages confrontés à des choix étant nombreux, l'auteur fait un détour par la fiction pour inviter le lecteur non pas à juger du comportement des protagonistes mais à se mettre à leur place. C'est sans doute cet exercice, avec lequel il est particulièrement à l'aise, qui lui inspirera quelques années plus tard son essai sur Geneviève Dixmer.


Touchez mon blog, Monseigneur...

TmbM
8
Écrit par

Créée

le 2 mai 2022

Critique lue 25 fois

1 j'aime

TmbM

Écrit par

Critique lue 25 fois

1

D'autres avis sur Aurais-je été résistant ou bourreau ?

Aurais-je été résistant ou bourreau ?
TmbM
8

Critique de Aurais-je été résistant ou bourreau ? par TmbM

Plus encore que les générations suivantes, j'imagine que tous ceux qui ont vu le jour au lendemain de la seconde guerre mondiale se sont à un moment donné posé cette question : Aurais-je été...

Par

le 2 mai 2022

1 j'aime

Du même critique

Les Furtifs
TmbM
2

Critique de Les Furtifs par TmbM

Laborieusement arrivé à un peu plus de la moitié de ce livre tant attendu, je cale. J'ai vaguement parcouru les quelques centaines de pages supplémentaires par acquis de conscience mais sans aucun...

Par

le 11 mai 2019

8 j'aime

5

Jours barbares
TmbM
9

Critique de Jours barbares par TmbM

Journaliste et écrivain, William Finnegan a également fait ses preuves comme surfeur. C'est d'ailleurs en tant que tel qu'il oriente ses mémoires. Le surf n'a jamais réellement fait partie de mes...

Par

le 14 avr. 2017

6 j'aime

Au printemps des monstres
TmbM
5

Critique de Au printemps des monstres par TmbM

Il ne lui faut pas moins de 750 pages bien tassées (et environ un million de parenthèses (l'auteur ne perd pas ses bonnes habitudes (et c'est (presque) devenu sa marque de fabrique))), pour réaliser...

Par

le 18 août 2021

5 j'aime

1