Lire les aventure d'Anne, c,est comme mordre dans un croissant de soleil, c'est joyeux, un peu magique et ça va droit au cœur. À certains égards, l'écriture adroite et poétique de Montgomery me rappelle celle de Daphnée Du maurier, qui était aussi une autrice ayant un don pour décrire la nature. On est rapidement séduit par le descriptif des paysages, des forêts, du ciel et des fleurs. Sous la plume de Montgomery et à travers l’œil d'Anne, l'Île du prince Édouard devient un vrai paradis.

Pour sa part, Anne me rappelle la petite Sara Crew de Burnett, petite fille précoce à l'intelligence vive, à l'imaginaire débordant et animée par son propre code moral. Anne me parait néanmoins plus théâtrale et plus compétitive, notamment avec Gilbert Blythe, son rival d'études. Elle a un langage qui détonne beaucoup compte tenu de son jeune âge, parfois grandiloquent, parfois très dramatique, mais assurément soutenu. Anne est aussi complexée par la couleur de ses cheveux. Ce peut sembler étrange pour les modernes que nous sommes, mais à l'époque, les roux étaient discriminés, considérés comme l'engeance du Diable et de ce fait, dépourvu d'âme et de bonté. Une croyance d'autant plus ridicule quand on voit à quel point Anne est une bonne petite fille, malgré ses quelques maladresses.


Montgomery nous offre une jolie fresque sociale d'un petit village canadien d'époque, Avonlea, rythmée par les saisons, la religion et la tranquillité. L'arrivé de la petite orpheline est donc une sacrée nouveauté, surtout quand on sait qu'elle est est adoptée par un couple de frère et sœur réputé pour être peu sociaux. Anne n'était néanmoins pas souhaitée, car les Cuthbert avaient demandé un garçon, afin de les aidé sur leur terre. Pourtant, lorsque Matthew Cuthbert va à la gare chercher ledit garçon et rencontre Anne, ce dernier se prend d'affection pour cette petite rêveuse rousse. Marilla, la soeur de Matthew n'est pas aussitôt charmée et tente de trouver une place pour la jeune fille. Toutefois, lorsqu'elle constate qu'Anne, éternellement mal aimée, va sans doute finir dans une famille en tant qu'aide aux enfants, sans affection et accablée de travail, Marilla revoit sa décision. Ainsi, Anne est autorisée à rester aux pignons verts.
C'est donc l'histoire d'une famille avant tout, où chaque membre bénéficie de la présence des autres. Si Anne trouve enfin un foyer, les Cuthbert trouve quelqu'un à chérir.
Ce n'est pas un roman addictif au rythme soutenu, mais Anne vit beaucoup de péripéties, commet pleins d'impairs, imagine toute sorte de choses et sa présence change les autres personnages. Loin du modèle féminin prôné à l'époque ( la docile jeune fille pieuse, stupide et illettrée) Anne est un vent de fraicheur à elle seule. Brillante étudiante, pleine d'audace, d'idée, elle est capable d'introspection, a une véritable envie de travailler su elle et reconnait assez bien ses limites. J'ai presque envie de dire qu'elle arrive à d'éduquer elle-même, avec le cadre offert par Marilla. C'est un personnage assez complexe et très intéressant.
Petit constat: comme ce fut le cas au Québec avec la littérature du terroir, qui visait à valoriser la vie campagnarde et glorifier la vie humble et pieuse, je pense que ce roman s’inscrit dans un genre similaire. Ce ne sera donc pas étonnant de trouver le tout "un peu trop beau". On notera notamment l'absence des rigueurs de l'hiver ( on parle d'hivers entre 15 et 30 en dessous de 0, de bonnes bordées de neige et de fréquents épisode de tempêtes), du fait que les jeunes filles on droit à une bonne éducation ( on jugeait autrefois que les filles n'avait pas besoin d'être éduquée vue leur vocation quasi automatique d'épouse et mère) alors que l'Histoire ne retient pas vraiment cet encouragement et notons aussi l'Église "gentille", loin des dictas sévères et des abus religieux pourtant connus. Donc, il manque une grande rigueur historique, qu'on retrouve aussi en Terroir Québecois. Mais ceci exclus, c,est une très belle histoire.
C'est donc un roman magnifique, très bien écrit, qui dresse avec douceur et poésie le récit hors de l'ordinaire d'une jeune fille peu conventionnelle qui rêve loin et aime fort.

Shaynning

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