Dans l’amitié, il n’y a pas de promesse, pas d’engagement, pas de serment, c’est un sentiment muet même s’il unit deux bavards…
Ainsi commence – et finit –, pratiquement, le recueil de Bernard, sur l'amitié...


Je me permets de l’appeler Bernard… il me semble que c’est un ami, que je l’ai toujours connu… en outre, il a l’âge qu’aurait mon frère…


Est-il besoin de présenter Bernard Pivot ? Peut-être…
Pour faire court, Bernard Claude Pivot est un journaliste et écrivain français, né en 1935 à Lyon. Après le lycée, le voilà étudiant en droit, à Lyon, puis il s’inscrit à Paris au Centre de formation des journalistes en 1955 et en sort vice-major de sa promotion en 1957.


Ensuite on le trouve au Figaro, puis au Point, au Journal du Dimanche… Sur Europe 1 et RTL, de 1973 à 1974 il anime "Ouvrez les guillemets" sur la première chaîne (ORTF), et de 1975 à 2001, c’est "Apostrophes" puis "Bouillon de culture" sur Antenne 2. En 2002 il a fait partie du jury du prix Interallié et de 2004 à 2019 du prix Goncourt dont il assurera la présidence de 2014 à 2019.
Les consciences évoluent… En 2019, il sera critiqué pour son attitude dans l'émission Apostrophes du 2 mars 1990, lors de laquelle il interroge négligemment l'écrivain Gabriel Matzneff, qu'il qualifie, rigolard, de « professeur d'éducation sexuelle », alors que Matzneff, se vante dans son livre de pratiques pédophiles et notamment de « sodomiser des mineurs » (https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/1990-quand-denise-bombardier-denoncait-gabriel-matzneff). Bernard Pivot déclare qu'à cette époque « la littérature passait avant la morale ». Face à la polémique qui enfle, il déclarera quelques jours plus tard qu’il n’a pas eu les mots qu’il fallait, ajoutant : « Il m’aurait fallu beaucoup de lucidité et une grande force de caractère pour me soustraire aux dérives d’une liberté dont s’accommodaient tout autant mes confrères de la presse écrite et des radios. »


Que tout cela ne nous fasse pas oublier "l’Éloge de L’AMITIÉ" !


Dans un crescendo très étudié, notre ami Bernard, nous dresse une sorte de liste (presque à la Prévert) de toutes les amitiés possibles et imaginables, et pour commencer, une petite citation de circonstance, adaptée au cadre :
« L’amitié qui commence par des prêts ou des échanges de livres ira loin. Les impressions de lecteurs installent vite un dialogue dont on perçoit la rareté, puis une connivence fondée sur la part de subjectivité confiée à l’autre. L’amitié par le livre n’est pas donnée à tout le monde. » Non mais alors ! Pourquoi croyez-vous que je m’échine à écrire, systématiquement un commentaire, après chaque bouquin. Hein ? Si ce n’est par amitié pour tous ces amis que je n’ai jamais rencontrés. Hein ?


Mais ne nous y trompons pas, si les amis sont toujours des camarades, les camarades, eux, ne sont pas toujours des amis (rappelez-vous l’histoire du carré et du quadrilatère). En outre l’amitié est exigeante, elle a faim : « Il faut la nourrir. D’appels téléphoniques, de textos, de confidences, de rendez-vous, de jolies surprises, d’anniversaires, de petits cadeaux, de sorties au resto ou en boîte, de gestes chaleureux, de mots agréables… »
Les occasions de se faire des amis sont multiples, au lycée, à la fac, sur le lieu de travail, aux spectacles ou sur les gradins des stades… mais parfois c’est plus difficile. J’ai gardé un exemple pour une "amie" que je n’ai jamais vue, mais qui se reconnaitra (un clin d’œil) : « On ne connaît pas les amis d’enfance de Jésus. S’il en a eu, il ne les a pas gardés durant sa vie publique. Jésus n’avait pas de potes. Les disciples, les apôtres n’étaient pas des potes. Ils avaient la conviction d’être bien au-dessus. »
Bernard est un joyeux luron, il célèbre gaiment le long fleuve tranquille au-dessus duquel, dit-il, s’élève de solides ponts construits par sympathie et affection, où on organise des fêtes, des vins d’honneur, des réveillons de jours de l’An, car les amis aiment triquer à l’amitié !


Il est des amis, sans doute trop éphémères pour que Bernard les nomme, ce sont ceux qui se rencontrent dans cet univers mystérieux et impalpable, à la fois proches et lointains, à la fois présents et absents mais qui font toujours si chaud au cœur lorsqu’on les croise, quand bien même ont-ils des convictions ou des idées différentes aux nôtres. Je veux parler des ami(e)s virtuel(le)s qui nous inquiètent tellement dès qu’on reste quelques jours sans un signe de ces internautes préféré(e)s…


Enfin l’amitié subit les contraintes de la vie. Bernard nous le dit, ils étaient dix à se réunir autour d’une bonne table, les années passant, ils ne sont plus que deux à se partager une bouteille de grand cru qui, un jour n’aura plus d’amateur…


Enfin, le 31 décembre 2017, quand son grand ami Jean-Claude Lattès à rechuté, c’est avec du caviar et une bouteille de Montrachet que Bernard est allé le voir à l’hôpital, mais il a compris que c’était vraiment grave quand il a vu que son ami avait non seulement perdu l’appétit mais surtout, la gourmandise (Il est mort le 27 janvier 2018).


Oui, ce livre est bien un Éloge de l’amitié, un peu lent comme un long fleuve tranquille, un peu nostalgique comme un livre de mémoires, le bilan de toute une vie d’un homme qui a aimé la vie et la compagnie des hommes, qui se retourne sur son passé et qui contemple une vie bien remplie d’amour et d’amitié pour son semblable, mais qui se retrouve de plus en plus seul avec ses souvenirs…


P.S. : cinq extraits sur la liste Q – FRAGMENTS

Philou33
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Créée

le 24 févr. 2022

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