Faces présente une série de portraits d’anonymes, enfants (beaucoup) ou adultes (moins) qui, presque tous, regardent l’appareil – je reviendrai plus loin sur un autre point commun à toutes les images. Je suis plutôt séduit par l’idée, qui a le mérite de rappeler que pour faire un portrait photographique, il faut être deux : photographe et modèle. En l’occurrence, il émane de Faces une confiance manifeste entre le portraitiste et ses sujets, d’autant que travailler avec des enfants demande une approche particulière – mais pas besoin d’être photographe pour le savoir !
Je suis moins enthousiasmé par certains partis pris esthétiques et techniques (1) de William Ropp, à commencer par cette palette de couleurs, estompées sans être ternes, et finalement assez proches de ce qu’on peut obtenir à partir de certains « filtres » Instagram (2). L’ouvrage date de 2011, et je sais bien que cette remarque est à relativiser, mais en attendant je doute que ces Faces vieillissent bien. Alors que ces portraits, en noir et blanc ou même dans un nuancier plus naturel, défieraient le temps.
Ces tons assurent certes le liant de la série, mais donnent à la beauté – oui, certains modèles sont remarquablement beaux – une facticité gratuite, un peu comme si l’on avait maquillé l’Afghane aux yeux verts de Steve McCurry. Du même coup, dans certains portraits, les emprunts à l’iconographie religieuse (principalement mariale et christique), dont William Ropp s’inspire beaucoup, tournent à la bondieuserie sulpicienne, comme la Vierge en plastique dans la boule à neige qui trône sur le buffet de mamie Francesca.
Quant à l’impression de dénuement, voire de misère qui se dégage de certains portraits, elle est à la fois atténuée et esthétisée par ce qu’il faut bien appeler une sorte de kitsch – et l’on entendrait presque cette aristocrate d’une nouvelle de Maupassant qui s’écrie en voyant des enfants pauvres « Sont-ils jolis, comme ça, à grouiller dans la poussière ».
C’est vraiment dommage, d’autant, je le répète, que l’empathie dans Faces est évidente. Elle rend tout à fait pertinentes – sans en faire des monuments intellectuels – les réflexions qui figurent dans la préface.


(1) Complètement inculte en matière de matériel photographique, je serais bien incapable d’évoquer en termes techniques les partis pris techniques. Ce dont je parle quand je parle de photographie, c’est un résultat.
(2) Mais y a-t-il quelque chose à garder d’Instagram ? Pendant qu’on y est, les jeunes (et les moins jeunes) : quand on vous photographie (ou que vous vous photographiez vous-mêmes), arrêtez d’ouvrir des yeux comme des soucoupes, ça vous fait ressembler à tous les cons qui ouvrent les yeux comme des soucoupes.

Alcofribas
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le 2 juil. 2019

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