Tao Te King : Le Livre du Tao et de sa vertu par François CONSTANT

Tao-te-king est l’œuvre de Lao-Tseu. Si des extraits de sa pensée sont souvent proposés en citations, hors de tout contexte, on ne peut résumer notre connaissance de Lao-Tseu à la sagesse antique chinoise et amalgamer Lao-Tseu et Confucius qu’il a combattu dans tous ses dires et ses écrits ! Et pourtant, chez nous, souvent, Confucius comme Lao-Tseu ne sont que les prénoms d'une même philosophie chinoise qu'il est de bon ton de citer lorsqu'on prétend vouloir refaire le Monde avec sagesse...
L'intérêt de ce livre, traduit par Léon Wieger et publié en 1913, remet quelque peu les pendules à l’heure !
Il reste qu’il est difficile de pénétrer la pensée primitive de Lao-Tseu, écrite en 526 avant Jésus-Christ, rappelons-le! Le livre, en version numérique (clin d'oeil au Temps qui passe et à la numérique qui avance) présente ici les propos de Lao-Tseu structurés en chapitres (idée de génie du traducteur que de structurer le flot d’entrées méditatives du penseur) et Léon Wieger y ajoute le résumé des différents commentaires produits par quelques philosophes ayant essayé de pénétrer la pensée de Lao-Tseu.
Néanmoins, je me pose la question de savoir ce qui restera lorsque j’aurai tout oublié de ce livre ? A coup sûr, le fait d’y avoir trouvé quelques belles pensées qui peuvent alimenter ma réflexion et mes débats intérieurs sur la vie et la manière d’essayer de m’y tenir aussi droit que possible. Mais, ne nous y trompons pas, au-delà de quelques grandes paroles empreintes de sagesse profonde, il y a dans la Taoïsme, quelques pensées qui ne peuvent apparaître que subversives et provocatrices dans notre air du Temps!
A titre d’exemples, entre sagesse et provocations… :
« Les pensées et les préceptes, en un mot la morale conventionnelle, inutiles dans l’âge du bien spontané, furent inventés quand le monde tomba en décadence, comme remède à cette décadence. L’invention fut plutôt malheureuse. Le seul vrai remède eût été le retour au principe primitif qui donnait aux hommes d’agir spontanément avec bonté et équité. La morale conventionnelle ne relève pas de ces deux qualités spontanées. Elle n’est que fruit d’une politique de prudence et de sagesse acquise sur fond de jugement moral et de sanctions à supporter. »
« Quand un peuple est difficile à gouverner, c’est qu’il en sait trop long. Celui qui prétend procurer le bien en y répandant l’instruction, celui-là se trompe et ruine ce pays. Tenir le peuple dans l’ignorance, voilà qui fait le salut d’un pays. »
« Tout savoir et croire qu’on ne sait rien, voilà le vrai savoir, la science suprême. Ne rien savoir et croire qu’on sait tout, voilà le mal commun des humains. »
« Quand l’homme vient de naître, il est souple e faible mais plein de vie ; quand il est fort et puissant, alors il meurt. Tout ce qui est fort et grand est en moins bonne situation. L’avantage est toujours au souple et au faible. » … Le chêne et le roseau de Monsieur Jean en pensent exactement de même !


Sans m’avoir permis de faire le tour de la question du Taoïsme, loin s’en faut, ce livre m’aura au moins donné l’occasion de réfléchir, très partiellement, sur quelques idées, il est vrai, pas toujours remises en contexte. S'il faut, peut-être, probablement se laisser tirer vers le haut par le Taoïsme, il est cependant raisonnable de ne pas en faire un absolu et de se contenter de chercher à en comprendre le sens global sans prétendre en dénouer toute la finesse et le sens profond. Je ne suis pas sûr que la sagesse de Lao-Tseu puisse être déclarée en phase avec nos pensées, connaissances et expériences de vie du 21e siècle. Après lecture, l'impression qui me reste est la nécessité de faire la part belle aux interrogations plutôt qu’à l’obédience un peu trop vite accordée à quelques paroles apparaissant sages et guides potentiels pour une vie. Face à la vie, rester éveillé et sans certitude acquise pour l’éternité… C’est déjà tout un programme, non ?

Créée

le 16 juil. 2017

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