La capitale du pouvoir et des inégalités

Avec une superficie de 87 km², contre 321 km² pour Londres, 607 km² pour Madrid et 879 km² pour Moscou, Paris a l’une des plus grandes densités au monde : 24 900 habitants au km² sans les bois de Boulogne et de Vincennes.

Ville convoitée par les provinciaux et les étrangers venus de plus en plus loin, Paris est un échantillon représentatif de la population en France : l’immigration apporte le multiculturalisme, d’autant plus repérable que l’espace est restreint. Elle réunit pourtant les plus grandes richesses et les plus pauvres, entre l’Est et l’Ouest, entre la capitale et la banlieue.

Les riches sont très riches, puisque la capitale rassemble 16,1 % des assujettis à l’ISF, lesquels privilégient de vivre entre soi à l’Ouest de Paris et de la banlieue. Les pauvres se regroupent de l’autre côté de l’axe, où les logements sociaux sont les plus importants dans le 20e arrondissement. S’il y a ségrégation, il y a aussi agrégation : les bourgeois, qui ne sont pas contraints par les prix de l’immobilier, choisissent de vivre avec leurs semblables.

Mais tout Paris « s’embourgeoise » : les prix de l’immobilier qui grimpent opèrent une exclusion par l’habitat. Si les ouvriers et les employés ont été les actifs majoritaires durant la première moitié du xxe siècle, aujourd’hui ce sont les professions intellectuelles qui investissent Paris avec la désindustrialisation nationale. Les « bobos », les « bourgeois-bohèmes », dont l’appellation est inexacte, réinvestissent les anciens logements et locaux ouvriers : c’est la gentrification. En repoussant les moins solvables hors de Paris, la mixité sociale est menacée : encore faut-il savoir ce qu’on entend par ce terme, et si la mixité sociale est bien le but recherché.

Dans la tradition jacobine, Paris concentre tous les pouvoirs : politique, économique, financier, culturel et artistique, que la spirale des arrondissements semble mimer. L’appareil politique, judiciaire et exécutif est situé à Paris, le plus souvent dans les demeures et hôtels particuliers ayant autrefois appartenu à la bourgeoisie. Et l’attractivité n’est pas seulement démographique : posséder le siège social d’une entreprise dans la capitale est une carte d’entrée prestigieuse pour les affaires. Les quartiers sont spécialisés dans un secteur en particulier : par exemple, le 8e arrondissement est le repaire de la haute-couture, le 9e aux banques et assurances. Quant à la culture, les équipements culturels (musées, théâtres, spectacles) y sont bien plus nombreux qu’ailleurs ; 80 % des emplois nationaux du cinéma et de la télévision et 70 % de ceux du livre sont à Paris.

Ce déséquilibre saisissant entre la capitale et la province, parfois source d’un parisianisme arrogant, va à l’encontre du principe républicain de l’égalité des chances.

Au cœur de la région parisienne, la capitale est l’hypercentre d’une zone urbaine qui dépasse les dix millions d’habitants. Au total, les Parisiens représentent moins de 20 % de la population en région parisienne : dans cette banlieue beaucoup plus étendue et peuplée, la ville congestionnée se prolonge par les infrastructures, les équipements culturels, les universités, les cimetières.

Attirante, ambitieuse, mythique, mais contrastée et inégalitaire, Paris connaît pourtant une baisse de sa population depuis une décennie. D’autre part, dans une ville riche et puissante, c’est le Parti socialiste, avec Bertrand Delanoë, qui dirige la mairie depuis 2001. Comment expliquer ces deux phénomènes ?

Cet ouvrage synthétique, dans la collection Repères de La Découverte, apporte des éléments détaillés et documentés sur les principales caractéristiques sociologiques de la capitale. Agrémenté de petits encarts sur des quartiers ou des CSP particuliers communs à la collection, il propose une première approche tout à fait accessible intellectuellement. Pourtant, l’étude est générale et incomplète : quid du chômage, des étudiants, des personnes âgées ? Qui compose l’immigration et le tourisme ? Autant de questions auxquelles d’autres lectures répondront.

Lire la critique sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/sociologie-de-paris-michel-pincon-et-monique-pincon-charlot-a80136710
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le 20 juil. 2012

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