'Zombies' en France? Têtes arrâchées et famine dans Journal d'un médecin de montagne en ...2021.

C'est le journal quasi intime d'un médecin en France de nos jours. Il raconte ses patients, ses difficultés et de beaux moments.
Parfois un peu comme si la série Urgences rencontre Les Bodin’s.
Avec des scènes quasi de films catastrophes et de Call the Midwife mais en 'vrai' (par exemple, l'ambulance et la table d'accouchement pouvant être un même "traineau" sur neige et glace...).

Liste de remarques:
_______ ⚕ ⚕ ⚕ Dans la série 'Urgences', nous étions plongés au sein même d'une opération ou sauvetage, comme parfois ici.
Par exemple:

" ...concentré sur ma conduite et sur le protocole des gestes à venir, les drogues à utiliser et leurs posologies. Petite séance de révision, préparation à l'action, contrôle des émotions et de l'imagination."
...c'est suivi de la description des soins à un patient encastré dans son véhicule façon 'Titane' forcé et à la Crash de David Cronenberg.

_______ ⚕ ⚕ ⚕ Le spectacle des Bodin's et ses deux acteurs jouant mère et fils, deviennent parfois réalité ici dans ce beau compte-rendu et vrai témoignage de la vie en campagne et montagne:

(une maman à la Bodin's est entourée de très gros chiens; ils sont un peu comme ses derniers 'fils' et remparts à la ferme; le médecin doit les franchir):
_"Elle m'appelle du pas de sa porte, ses cerbères, temporairement calmés, regardant passer avec regret mes mollets convoités. Je franchis le seuil, puis une marche glissante, et sous l'oeil torve d'un autre molosse tapi dans l'obscurité , je progresse de portes humides en passages moites, jusqu'à une pièce unique attenante à l'étable dans laquelle je peine à distinguer les bêtes, englouti que je suis dans une vapeur dense et âcre. L'odeur acide des litières prend à la gorge, mes chaussures laissent une empreinte dans un sol en partie composé de papier journal et gorgé de jus jaunâtre. Mes verres de lunettes ont déclaré forfait , occultés par cette buée animale et chaude."
(ce passage me rappelle quand le couple pénètre chez leur voisin médecin et découvre sa femme cachée, ne sortant jamais de chez elle, dans "Les Catilinaires" d'Amélie Nothomb.).

_______ ⚕ ⚕ ⚕ Parfois le témoignage du docteur me rappelle des Films de zombies:
Livre qui devrait d'ailleurs peut-être aussi venir avec un avertissement car il est parfois très violent : avec des jeunes à tête coupée, des bébés morts, des crises psychotiques, des descriptions de bouffées délirantes vraiment émouvantes, faisant peur, comparable à des attaques de zombies
(par exemple, page 121: une femme aux pupilles dilatées et blanches lui saute soudain dessus alors qu'inerte et avachie juste avant; immobile comme dans un film de zombies puis...:

(je me baisse, l'évite) ce « petit bout de femme fracasse le vasistas au-dessus de l'évier derrière moi à une hauteur invraisemblable ».

Un autre jour, il tombe sur le papa mort d'un fils qui vient de l'appeler:

_"Je le trouve affalé sur son lit, les couvertures jetées sur le sol, le teint cireux, la bouche ouverte et les yeux ne fixant que le vide, immobile, froid et lourd comme un animal marin rejeté sur le rivage. Impossible de prendre son pouls. Pupilles fixes."
(je quitte la pièce pour aller chercher ma valise)
"...j'entends le gémissement d'un sommier que l'on torture...revenant sur mes pas (...le mort) "est assis au bord de son lit, soulage sa vessie dans son seau (...) et lance d'une voie d'outre-tombe: "j'ai faim"!"

Comme lecteur et cinéphile, j'ai visualisé avec soulagement et amusement, le papi dans le film 'Creepshow' qui crie vouloir "un cerveau".

_______ ⚕ ⚕ ⚕ A d'autres moments, le récit me fait penser au film 'Mannaja, l'homme à la hache'?!:
…car à tout cela s'ajoute des attaques à la hache, des drames de l’alcoolisme alors que des "fêtes de la bière" continuent d’être organisées ! Leurs bénéfices restant privés, pour une minorité, tandis que leurs coûts directs et indirects restent payés par la collectivité publique (p112) etc.

Avertissement aux lecteurs peut-être aussi nécessaire car l'auteur raconte qu'il est lui-même très choqué et qu'il lui faut du temps pour se remettre alors que lui est 'professionnel', au contraire de nous, simples lecteurs: il n’a par exemple jamais oublié de jeunes pauvres ados (militaires) saouls, retrouvés morts à cause de trop de pastis.

_______ ⚕ ⚕ ⚕ Témoignage éclairant car bien avant le covid:
En période d’élections, il est passionnant de lire le témoignage d’un professionnel, incontestable, qui décrit une Médecine et un numéro des secours 15 déjà débordés notamment « avec le virus h1n1 » (p98).
Donc le tout, bien avant le covid …un témoin direct qu’on ne peut soupçonner de « ressentiment »ou rétorquer qu’il n’est qu’un « jaloux » comme c’est souvent le cas de reproches faits à des gens qui se plaignent etc. Ça semble désormais la réponse à toute critique et déception.
Il n’est pas écouté non plus. N’a pas été écouté non plus.
Il est inquiétant aussi qu’il était déjà "débordé" bien avant que « l’autre cabinet » de médecins ne ferme. Autre cabinet "Fermé" depuis.
Les risques de "sur-accidents" mentionnés (p108) lors d'un exercice à vide se sont vérifiés avec des accidents d’hélicos.

_______ ⚕ ⚕ ⚕ Vincent Lecarme est prenant et passionnant quand il parle des cas qu'il rencontre et aide.
Mais il l'est un peu moins quand il parle de lui, les textes à son sujet sont moins crus, directs et cash.
Le bon docteur est hélas un malade pas du tout imaginaire du tout.
Vincent Lecarme semble s'être négligé dans son service à l'autre.
Il s'est peut-être négligé comme on le fait parfois, à force de croiser et se comparer à de "vrais malades" ou des vieux dont le seuil de tolérance à la douleur m'a semblé bien plus haut que la moyenne. Comme par exemple, lorsqu'il découvre qu'un vieillard très malade montait et dormait dans "une chambre en soupente", déjà pénible à joindre pour un bien portant ( page 79 ).

_______ ⚕ ⚕ ⚕ La forme très morcelée (comme mon texte...) devient peut-être trop journalistique, voire trop elliptique (ça peut pas être pire que mes textes...).
Un excellent livre de table de nuit et quasi de micros nouvelles plus qu’un essai ou témoignage.

Des dizaines de scènes de films ou téléfilms dont notamment un possible meurtre (ou 'pseudo' accident de voiture? (p58).
Et une siiiiiiiii grande "urgence", en pleine nuit froide qui se révèle ...un « nez bouché » d’une ado geignarde de… 30 ans, trop gâtée, lors d’une fête.
Et un bon rappel que 3 ou 4 piqûres de guêpes (sur terrain allergique) peuvent provoquer arrêts cardiaques successifs...suite au choc anaphylactique (la scène me rappelle un film avec Michael Caine, "L'essaim".)
En film, une scène m'a aussi fait penser à la série des Don Camillo quand un vieil homme craint d'avoir à un jour "honteusement" (sic) traverser le village sur le traineau/ambulance, sous le regard des touristes:

_"Quelques années plus tôt, il avait manqué se rompre le cou en tombant d'une échelle , sous le regard bienveillant mais discrètement réprobateur (sic) d'un Christ en croix dont il était en train de repeindre la colombe dorée, symbole de ...l'Esprit Saint, sous la voute blanchie à la chaux de la petite église du village. Il avait dû faire un malaise et s'était finalement retrouvé debout, face à l'autel, sans réaliser ce qui venait de se passer , avec deux vertèbres cervicales brisées, simplement heureux d'être vivant et reconnaissant à l'ange qui l'avait protégé et aidé à se relever."

Donc un très beau et fort témoignage d'un homme, d'un docteur et malade qui aime et tente de "servir à quelque chose".
Au risque même d'interrompre les répétitions de sa chorale.
(Pour plus d'infos mieux écrites sur l'auteur et le livre, mais de l'éditeur => https://www.glenat.com )