Sam Peckinpah est malade de son pays, il suffoque. Il le voit muter, faire table rase des valeurs qui l'ont fait grandir, alors, il explose et devient peintre du chaos, des sombres et des déliés. Sauvage, il filme dru, toujours plus fort et révèle une autre éthique avec son pinceau-flingue.

Son regard est viscéral et furieusement baroque, putride, exempt de romantisme. Il fixe le désespoir et ne détourne pas les yeux. Il scrute les fissures qui pullulent sur les certitudes. Souffle l'ouragan sur la poussière du temps. Toujours impitoyable, lucide et trempé de fureur.
La violence, sa profonde déchirure, c'est l'Amérique qui s'égorge elle-même. C'est la Liberté qui en profite pour s'échapper, en passe de disparaître et pourtant, poursuivie par ces hommes qui arrivent trop tard, tout comme lui, qui ont cent ans de retard.

Peckinpah ne fait pas dans l'allocentrisme, cinéaste de la loose, il n'expose personne d'autre que lui-même et s'abîme dans la contemplation acide des abîmés qui lui ressemblent, abandonnés dans ce désert aride et sec, au bord de la civilisation.
Sa tragédie nihiliste est complexe, bouleversante et fatale. Elle pèse de peines, de larmes et d'alcools forts.
Peckinpah c'est l'art divinatoire d'interpréter ses propres reflets.
Les Robards, Coburn ou McQueen sont tous les vestiges de sa carcasse paranoïaque et désabusée balancés sans censure sur un écran de cinéma. Une manière de psychanalyse en salles obscures.
Oates, poussera le vice jusqu'au bord du calice, s'imbibant du Maître et de tequila pour composer son personnage de bateau-ivre dans le nébuleux « Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia », sorte d'autobiographie morbide où le réalisateur transporterait son talent pourrissant dans un sac.

Fétide,il draine à gros flots les haines et son soleil à lui assèche et chauffe à blanc. Il martèle son message : l'Homme est un putain de loup pour l'Homme et, il va bien falloir faire avec.
Fasciné par la mort, il brûle sa vie par tous les bouts, imprègne ses films d'un souffle mélancolique, d'un refus obstiné d'abandonner même si le vide est sous nos pieds. Fataliste, il distend le temps, formaliste, il malaxe l'image qu'il polit d'une poignée de sable.

Peckinpah sublime ce soleil qui se couche sur ce monde, son monde, et qui avance en abandonnant sur le bas-côté ceux qui ne peuvent pas suivre. Il n'élude pas la nature bestiale des hommes, cadavres agités de soubresauts, vivants du souffle de mort, et qui ne se rendent jamais sans combattre.
DjeeVanCleef
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le 25 nov. 2014

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