Rousseau, le pseudo paranoïaque...... Son oeuvre de défense contre les calomnies

Bonjour à tous,

Cette fois-ci, je m' attaque à un écrit moins connu de Jean-Jacques. C' est " Rousseau, juge de Jean-Jacques ".

Rousseau juge de Jean-Jacques fut composé entre 1772 et le début de 1776, à raison, dit l'auteur, d'un quart d'heure à peine par jour (p. 242), tant le travail de remémoration et de contemplation de ses malheurs lui était pénible (p. 56). La composition s'insère chronologiquement et thématiquement dans une continuité qui part des Confessions pour aboutir aux Rêveries du promeneur solitaire.
Le livre XII des Confessions commençait par l'évocation générale du complot dont les mystérieuses opérations avaient altéré la vie de l'auteur :

Ici commence l'oeuvre de ténèbres dans lequel depuis huit ans je me trouve enseveli, sans que de quelque façon que je m'y sois pu prendre il m'ait été possible d'en percer l'effrayante obscurité. Dans l'abîme de maux où je suis submergé, je sens les atteintes des coups qui me sont portés, j'en aperçois l'instrument immédiat, mais je ne puis voir ni la main qui le dirige, ni les moyens qu'elle met en oeuvre. L'opprobre et les malheurs tombent sur moi comme d'eux-mêmes et sans qu'il y paraisse. (OC I, p. 589.)

Et en voici enfin la conclusion, après que Rousseau a été «chassé de la Suisse» en 1765. Il est en train de lire ses Confessions, sans doute en mai 1771, devant un public composé du comte et de la comtesse d'Egmont, du prince Pignatelli, de la marquise de Mesme et du marquis de Juigné :

J'achevai ainsi ma lecture et tout le monde se tut. Mme d'Egmont fut la seule qui me parut émue ; elle tressaillit visiblement ; mais elle se remit bien vite, et garda le silence ainsi que toute la compagnie. Tel fut le fruit que je tirai de cette lecture et de ma déclaration. (OC I, p. 656.)

Ainsi tombe un silence d'autant plus terrible qu'en même temps les autorités lui intiment de suspendre ces lectures qu'il poursuit dans différents lieux. Il vient d'en évoquer la «troisième partie si jamais j'ai la force de l'écrire» : or justement il ne poursuivra pas dans cette entreprise et Les Confessions, quoiqu'inachevées, sont terminées. Déjà, cependant, commencent à s'esquisser les dialogues de Rousseau juge de Jean-Jacques qui à leur manière en prendront le relai, ne supposant cette fois d'autre voix ou d'autre public que virtuels. «Il écrit, quelquefois», remarque Michel Serres, «juste pour affirmer qu'il n'écrira plus.»

« Ici commence l'œuvre de ténèbres dans lequel, depuis huit ans, je me trouve enseveli, sans que, de quelque façon que je m'y sois pu prendre, il m'ait été possible d'en percer l'effrayante obscurité. » Ainsi s'ouvre le dernier livre des Confessions, qui s'achève sur le récit de leur lecture publique en 1770 et du silence qui l'a accueillie. L'« œuvre de ténèbres » remonterait ainsi à 1762, année où Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) fut décrété de prise de corps ; le pamphlet de Voltaire, Le Sentiment des citoyens, publié anonymement en 1764, la lapidation de Môtiers (1765), achèvent d'asseoir en Rousseau la certitude du complot universel dont il serait la victime. Les Dialogues de Rousseau juge de Jean-Jacques, rédigés entre 1772 et 1776 et publiés après sa mort, en 1782, sont une tentative pour lever ce « mystère impénétrable », comprendre « la haine de toute une génération ». Longtemps lus comme un document clinique sur le « cas » Jean-Jacques Rousseau, les Dialogues ont toujours eu un statut générique incertain : classés en philosophie par un des premiers éditeurs de Rousseau, Louis-Sébastien Mercier, ils sont aujourd'hui considérés comme une partie de ses « œuvres autobiographiques ».

Comme il est classé généralement parmi les œuvres autobiographiques de Rousseau, j’entamais Rousseau juge de Jean-Jacques avec un certain entrain, car habituellement, j’apprécie énormément les récits autobiographiques de cet auteur (ceux des Confessions, des Rêveries du promeneur solitaire, ou encore ses correspondances retranscrites par exemple dans Lettres). J’ai cependant trouvé plus de rapprochements entre cet ouvrage et les Lettres écrites de la montagne, qui n’est pas à proprement parler autobiographique, mais où il se défend des remarques, critiques et même accusations faites à son égard, par un ensemble de détracteurs, célèbres ou non. Il recontextualise cependant ici plus d’évènements de sa vie, comme son passage à Venise, ou ses écrits sur la musique. Il nous apprend également que « cet écrit était de tous ceux qu’il a faits en sa vie celui qu’il avait entrepris avec le plus de répugnance et exécuté avec le plus d’ennui ».

Oui, dans ce livre, Rousseau parle de lui à la troisième personne, et même sous une autre identité, comme étant un homonyme de lui-même, dialoguant avec « Le français ». Trois dialogues se succèdent dans lesquels on juge d’abord les dires et les comportements de Jean-Jacques à partir de ce qu’on dit de lui, puis après avoir pris connaissance de toute son œuvre littéraire et l’avoir côtoyé de près. On apprend ainsi que, pour pouvoir parler « objectivement » de Rousseau, « Il fallut, par conséquent, commencer par tout voir, par tout entendre, par tenir note de tout, avant de prononcer sur rien, jusqu’à ce que j’eusse assemblé des matériaux suffisants pour fonder un jugement solide qui ne fut l’ouvrage ni de la passion ni du préjugé. »
Rousseau nous apprend également que « cet écrit était de tous ceux qu’il a faits en sa vie celui qu’il avait entrepris avec le plus de répugnance et exécuté avec le plus d’ennui. » Il me semble que cela apparaît lors de cette lecture, qui est de tous les ouvrages de Rousseau que j’ai lu jusqu’à présent, celui que j’ai le moins apprécié. Il n’y a pas vraiment de construction chronologique ou thématique, ce qui fait que Rousseau se répète beaucoup, rabâche même. A la longue, la mise en évidence des critiques qui lui ont été faites est redondante. Sa façon de les contredire était il me semble plus séduisante, plus argumentée aussi dans les Lettres écrites de la montagne. Ici, j’ai l’impression que Rousseau lance beaucoup d’appels à l’émotion de ses lecteurs, pour les ranger de son côté.

Une lecture qui selon moi vaut le coup si on s’intéresse véritablement au personnage social de Rousseau plus qu’à ses œuvres....

Mais, afin de nuancer mon propos, si l'on veut bien appréhender l'homme et l'auteur : un monument de sincérité. On évoque une probable "folie" à la fin de sa vie. Faux ! Pour l'avoir lu suffisamment et me faire une opinion, j'énonce haut et fort, que Jean Jacques, au delà d'un homme empli de justice et de vérité, a toujours été lucide, empli de raison et bon sens. On sort "grandi" de sa connaissance. Qu' on se le dise !! Et ce livre est un summum de sincérité, où jean-jacques se défend de toutes ses attaques reçues. Honte à ceux qui le catalogue fou, parano, borderline, ou ce que l' on veut ! Certes, Jean-Jacques est un brin obessionnel, mais parce qu' il est attaqué de toutes parts !! Replaçon nous dans le contexte !! Candide de Voltaire est une attaque haineuse de Voltaire contre Rousseau ( car ce conte critque Leibnitz qu' adorais Rousseau.... Concidence ? Pas sur.... ). Bref. Jean-Jacques est un idéaliste qui ne peut que susciter la compassion, et l' empathie, chez ceux étant un brin sensible à cet auteur.....

Rarement le lecteur aura trouvé dans un texte, tant de confidences sur son écriture concrète, la nécessité et la souffrance qui y ont présidé : « Tandis que je force mes yeux à suivre les lignes mon cœur serré gémit et soupire. Après de fréquents et vains efforts, je renonce à ce travail dont je me sens incapable, et faute de pouvoir faire mieux je me borne à transcrire ces informes essais que je suis hors d'état de corriger », écrit Rousseau dans un texte liminaire. « Chaos de désordre et de redites » tout relatif, le texte des Dialogues est remarquablement organisé, encadré jusqu'au verrouillage de sa réception avec la citation latine d' Ovide qui ouvrait le Discours sur les sciences et les arts : " Barbarus hic ego sum, quia non intelligor illis " = « Ici c'est moi le barbare, parce qu'on ne me comprend pas »......

Ce livre est essentiel pour qui aime Rousseau, et veut mieux le comprendre..... Portez vous bien. Bonne lecture !!! Tcho.
ClementLeroy
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le 12 févr. 2015

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San  Bardamu

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