L'importance de l'amour chez les jeunes hommes

Après l'enfance maltraitée, le jeune paumé ! Moix prend prétexte de ses années d'études pour dresser le portrait de la camaraderie masculine en période de construction. Camaraderie d'airain où le tourment amoureux et l'ambition littéraire sont au cœur du filament qui la constitue.

L'analyse froide, lucide et mélancolique que fait Moix de ces pataugeurs du néant qui tentent de se réchauffer et de se réconforter mutuellement est frappée au coin de la vérité.

Et puis il y a Reims et sa cohorte de Roger célèbres, ces écrivains qui ont su magnifier une ville dont le gris désespère un Moix qui voudrait leur arracher quelques lambeaux de leur superbe. Cette morne province, perçue ainsi par celui qui fraîchement entré dans l'âge adulte ne rêve que d'aller coller son corps et son esprit à ce qui brille.

Par ses fréquentations, ses élans du cœur et ses entrains intellectuels, Moix dessine un être singulier qui, j'en ai bien peur, touche à l'universel pour cette tranche particulière de la vie. Il fait œuvre de salubrité publique en se servant de sa biographie pour dire avec précision ce que beaucoup ont vécu.

Sans tricherie ni excessives jérémiades, Moix délivre un Reims aux thèmes authentiques, dans la chimique pureté du ballottement de l'âme des jeunes années d'apprentissage.

Moix revient également sur cette fameuse histoire de caricatures et de leur genèse. Leurs révélations le poussent ici à nous en conter les détails, de leurs élaborations à leurs réalisations, poussé par un nihilisme débordant (cache-sexe d'une profonde souffrance). Bien que lui ayant coûté quelques bons postes bien rémunérés et certainement quelques amitiés, il devrait se réjouir de ce scandale et s'honorer d'afficher désormais une part maudite de lui même, enrichissement de toute bonne légende littéraire qui se respecte.

Pour conclure, un livre vrai qui sent le rhum-jus d'orange et le whisky-coca. Un livre qui s'écoule devant nos rétines frémissantes comme les aventures, les trépidations d'un jeune homme qui se pense unique alors qu'il est si commun.

Ce cauchemar rémois aura été la préparation idéale à l'écrivain qu'il est devenu, une plongée qui lui aura donné la force de s'extraire de là où il était impossible de continuer.

                        Samuel d'Halescourt