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Sans ce problème de couilles, les œuvres mariales eussent mérité un 10. Je dis "couilles" car je suis punk et puis, Carême est fini et, au final, pourquoi chercher un terme moins immédiatement compréhensible et identifiable à ce problème burnesque que ce cher Saint Bernard évoquait complaisamment ? Pour l'anecdote marrante, que j'aimais à conter aux élèves mineurs du lycée (ahahaha), célèbre parmi les historiens et également il me semble parmi les clercs cultivés, Saint Bernard avait un gros problème de couilles illustré dans la Vie de saint Bernard. Ou des grosses couilles. Ou les deux.
Après une prime jeunesse passée dans "le stupre et la fornication" comme dirait le grand Georges, ce bon vieux Bernard, encore jeune, s'est converti de manière radicale, un peu comme Paul percuté par la lumière sur le chemin de Damas, sauf que Bernard il était du côté de Paris. Bref, conversion totale suite à la prière de sa chère maman disparue (ce qui n'est pas sans rappeler Saint Augustin) dans laquelle Bernard entraîne toute sa famille, ses frères et son père en tête. Il se retire à Cîteaux ; car en fait Bernard de Clairvaux est d'abord à l'abbaye de Cîteaux mais ne nous égarons pas ; très loin de la gente féminine, non sans en garder certains... souvenirs nocturnes prompts à le tirer du sommeil du juste.

Un jour, sa petite sœur, qui ne l'a pas vu depuis de longs mois, lui rend visite avec sa cour. Du haut du rempart de la clôture, Saint Bernard refuse de la recevoir. La sœur, mortifiée repart désespérée. Elle ne comprend pas la pauvre, son frère serait-il devenu un intégriste catholique dont la religion l'empêche même d'honorer sa propre famille ? Le texte nous dit que la sœur avait des attributs de pécheresse, elle était vêtue à la mode (de l'époque avec un voile et tout mais c'était coloré et sa robe était trop riche) et elle était joviale. La vilaine tentatrice ! Saint Bernard lui écrivit donc une lettre pour la réprimander et l'inciter à plus de mesure et d'austérité afin de plaire au Seigneur. La sœur finit par se convertir aussi, elle revêt l'habit religieux et Saint Bernard fonde pour elle un couvent très loin dans lequel elle va se cloîtrer et mener une vie pieuse jusqu'à sa mort. Voilà pour le texte.
Il y a le contexte, c'est pour cela que j'aime les bouquins moisis vachement bien enluminés. Dans la Vie illustrée par les frères de Bernard, deux vignettes nous montrent ce qu'il s'est passé dans la tête du Saint. Voyant sa sœur, Saint Bernard, qui est toujours en proie avec ses démons intérieurs, est pris d'une irrésistible envie. Il est retiré des femmes depuis des lustres, il faut le comprendre. C'est pour cela qu'il refuse de la recevoir. Ayant vaincu cette première tentation, la nuit, lors même qu'il n'est plus maître de sa conscience, un rêve vient le hanter. Tentation démoniaque, surgissement d'errements passés ? Il se voit en train de coucher avec sa sœur. Ni une ni deux, Saint Bernard se lève en pleine nuit, il court dans le froid glacial et se jette dans l'eau gelée afin de chasser définitivement cet horrible tourment de la chair qui a pris le visage de sa propre sœur. Problème de couilles résolu de manière radicale. De nos jours, les freudiens vous conseilleraient en pareil cas de suivre une thérapie longue et coûteuse sans espoir de guérison. Saint Bernard vous donne une solution aisément praticable et gratuite à effet immédiat.


Ce détour sert, pas seulement à étaler ma science et narrer une histoire chelou et véridique dont j'ai le secret, mais à édifier l'âme de mes chers contemporains en plus de comprendre pourquoi le problème de couilles de Bernard a justifié le 7/10 de ses œuvres mariales magnifiques. Vous voyez Bernard est devenu Saint. Cet épisode de sa vie prouve que nous aussi, qui avons parfois des idées « étranges » pouvons nous sanctifier. Il a mis la barre très haut ! Il faut lutter contre soi-même, chacun selon ses propres démons et on peut y arriver. On va y arriver. Merci Saint Bernard de nous montrer la voie. Perso, je n'ai jamais eu envie de coucher avec mon frère mais bon. Qui sait, peut-être certaines de mes tentations sont-elles d'une nature aussi grave que celles de Bernard.
Ce problème de Saint Bernard, qui est aussi à cette époque celui de nombre de mecs en robes vivant dans des abbayes, rejaillit sur la doctrine chrétienne d'alors, dans leurs plumes, dans leurs sermons. Héritée des Pères, cette conception problématique de la chair, du corps et des rapports sexuels a conduit à une dévalorisation du mariage, à un mépris de l'amour charnel entre les êtres, y compris les époux vivants dans le sacrement du mariage. Il faut également rappeler que sévit parmi le clergé régulier la mode des traités dits Du mépris : du mépris du monde, du mépris de la femme, de contemptu de tout sauf de Dieu. Dans les Œuvres consacrées à la Sainte Vierge Marie, Saint Bernard rappelle dès que possible combien la virginité est meilleure que le mariage. Au moins une centaine de fois en cent pages. Connaissant le problème de Bernard, je lui ai pardonné ce mépris redondant mais c'était quand même pénible. La virginité par ci, la virginité par là, la souillure charnelle par ci, la souillure par là... Tout le monde ne dilapide pas le pognon de sa famille au bordel Bernard ! Coucher avec son mari, ce n'est pas une souillure, à mon humble avis. Redisons-le, Bernard s'inscrit ici dans une tradition héritée de certains Pères de l’Église. Saint Augustin en tête mais lui aussi, il l'a écrit, avait des problèmes de couilles et n'était pas marié ! Certains Pères car par exemple Tertullien ou encore Saint Anselme n'ont pas suivi cette voie de condamnation de l'acte conjugal porteur et vecteur du péché originel. Ils ne sont que quelques-uns de l'Antiquité au Moyen-Âge mais ils ont le mérite de l'avoir dit contre la majorité des Pères occidentaux. Cette vision extrêmement pessimiste et dépréciative du mariage est propre à certains penseurs du christianisme influencés par des philosophes grecs car, dans la Bible et chez les juifs, le mariage est un sacrement fort honorable et certains textes sacrés, pour ne citer que le Cantique des Cantiques, sont une ode à l'érotisme. Entre gens mariés d'accord. Donc, Bernard il m'a un peu saoulée car répéter sans cesse que l'acte conjugal est mauvais, c'est s'inscrire en faux contre la Création.
T'as vu Bernard, Dieu nous a fait homme et femme, sexués, complémentaires. Si Dieu ne voulait pas que Sa créature soit un être sexuel, Il aurait mis au point une créature dont la génération des êtres humains se ferait d'une autre manière. Genre par mitose ou strobilation. Il nous a fait sexués car Il l'a voulu. Point barre. Mais encore une fois, t'avais un gros problème que t'as géré comme t'as pu et un héritage culturel pas facile à mettre à distance. Ce n'est pas ta faute.


Sinon, pour conclure, ces Œuvres mariales sont sublimes. La traduction est d'un style qui fait honneur à la plume géniale de Saint Bernard. Dans mon édition figurent : L'Aqueduc, Les louanges de la Vierge Mère, La demeure de la Divine Sagesse, Sermon pour l'Annonciation, De l'Enfant, de Marie et de Joseph, De la conception de Marie, Quatre sermons pour l'Assomption, Les douze prérogatives de la Bienheureuse Vierge Marie*. Ce sont de véritables invitations à la méditation et à la prière qui m'ont accompagnée durant le Carême. J'y ai découvert l'origine d'un de mes chants préférés dédiés à Marie : Regarde l'étoile qui conclut magistralement l'Aqueduc qui, pourtant, est une attaque en règle du mariage. Pourquoi demander l'intercession de la Vierge ? Frères chrétiens réformés, lisez, par pitié, lisez ce petit traité théologiquement parfait. J'ai été très surprise aussi de découvrir que la fête de l'Immaculée conception était sujette à débat à l'époque de Bernard et que sa position était contre l'instauration de cette fête. Non pas qu'il niât l'immaculée conception de Marie mais parce que pour lui, ascétisme oblige, les pauvres âmes que nous sommes devraient passer moins de temps à festoyer sur Terre. La fiesta au Paradis, ici la vallée de larmes. La manière dont il se remet cependant au jugement de l’Église en la personne du Pape est un modèle de sainteté et d'humilité, de comportement chrétien. Chacun est libre d'énoncer son point de vue, l'infaillibilité papale, non-formalisée dans le droit canon mais reconnue de fait, tranche in fine et assure la vérité du dogme de l’Église. Et toujours, la connaissance par cœur de la Bible, tous les livres bibliques, c'est stupéfiant et infiniment enrichissant de lire ces Saints.


Comme Saint Bernard ; parce que j'ambitionne aussi de devenir sainte un jour pour pouvoir entrer au Paradis (vous voyez, on n'ira pas tous au paradis comme dans la chanson des Enfoirés) et être la sainte patronne des punks ; humblement je propose pour l'édification de mes frères et sœurs en Christ que le peuple chrétien lise davantage de Vies de Saints et leurs œuvres. Ils sont les exemples que nous devons suivre, tous différents, tous imparfaits, tous amoureux fous de Dieu, tous dans des épreuves douloureuses sur un chemin très long. Ils se posent des questions, ils réfléchissent, ils s'enrichissent les uns les autres, s'écharpent souvent. Ils sont humains, pleinement humains et deviennent des Saints, transformés par le Christ. Ce serait autre chose que ces trucs mièvres qu'on balance au catéchisme. Il faut se rappeler qu'on ne devient saint qu'à la fin. Si un prêtre raconte l'histoire de Saint Bernard et la tentation avec sa sœur dans une réunion des accrocs au sexe, il y a fort à parier que plein de gens se sentiront mieux et auront un autre regard sur leur sanctification possible.
A défaut de discipline, l'eau glacée : remède miracle pour les problèmes de couilles. Approuvé par Saint Bernard de Clairvaux.


Addendum daté du 20/04/2018 : en préparant un exam hier au soir, je me suis aperçue que mon propos sur Tertullien est inexact. En effet, si Tertullien honore le sacrement de mariage ; " Où vais-je puiser la force de décrire de manière satisfaisante le bonheur du mariage que l’Église ménage, que confirme l'offrande, que scelle la bénédiction; les anges le proclament, le Père céleste le ratifie [...] ils sont vraiment deux en une seule chair. Là où la chair est une, un aussi est l'esprit" ( Ad uxorem 2.9) ; il comprend la transmission du péché originel comme se faisant par la génération des êtres humains, c'est à dire sexuellement. Un genre de mst. Donc pour Tertullien, les enfants ont besoin du baptême pour les laver du péché originel inscrit dans leur chair même s'ils ont été conçus dans le sacrement de mariage. Ce n'est qu'avec Saint Anselme que la sexualité n'est plus le vecteur du péché originel (cf. Sur la conception virginale et le péché originel) objet d'une critique future.

ElodiePerolini
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le 2 avr. 2018

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