Roman de douce science-fiction - celle que vous pouvez faire lire à votre ami qui dit ne pas aimer ça - qui traite à peu près toutes les problématiques d'aujourd'hui, des extra-riches qui concentrent toutes les richesses de la planète à la bioéthique en passant par le développement des robots, le tout sur fond d'une question existentielle : "et si le progrès ne nous amenait pas seulement à être plus contrôlable ?". Parce que renoncer à la civilisation, vivre dans les forêts, c'est le seul moyen de redevenir libre dans ce récit de l'auteure de Truisme. Et là, vous vous dites "oui, c'est juste un roman d'anticipation quoi." Et bien pas seulement !


Le génie de Darrieusecq, ce n'est pas de nous placer dans un futur où le gouvernement sait tout et voir tout et dont on sait dès le départ que notre monde a très mal tourné. Beaucoup d'autre l'ont fait, certains mieux qu'elle. Son génie, c'est de nous placer dans la peau d'une psychologue. Son génie c'est de diluer les informations, créant surprises sur surprises, jusqu'au plot twist, tout en rendant le tout agréable à lire et incroyablement addictif.


Tout d'abord, la narratrice. Il s'agit de nos yeux, du personnage auquel vous allez vous identifier. Sauf que non seulement elle est loin d'être un personnage creux, mais en plus elle est attachante, parfois drôle, fait plein de digressions et surtout... elle est psychologue. Elle met des mots sur ce qu'elle a ressenti, analyse ses propres sentiments, ainsi que ceux des autres, le tout sans se prendre trop au sérieux. Cela donne une narration riche, crédible, une véritable impression d'avoir un ami qui vous parle. Petite chose : la narratrice s'appelle "Marie", ou du moins est né sous ce nom, et vous lisez ce qu'elle écrit avant sa probable mort prochaine - je ne spoil rien, vous le comprenez dès les 3 premières pages. A mes yeux, Marie Darrieusecq est une des auteures qui maitrisent le mieux la première personne du singulier au sein de ses romans.


A côté de ça, vous sombrez dans un monde dont vous ne comprenez presque rien au départ. Elle parle beaucoup des Moitiés par exemple dès les première page. Et elle ne vous explique rien, pourquoi vous expliquerait elle quelque chose d'évident dans son monde ? Là où ça devient merveilleux, c'est que l'auteure arrive à nous faire comprendre de façon absolument claire et transparente absolument tout ce qui est nécessaire à comprendre l'histoire, en nous le dévoilant petit à petit de façon à créer un vrai suspense, tout en étant hyper naturel du côté de la narration. Mieux encore : Il y a des éléments qui ne vous seront jamais expliqués totalement. Non seulement cela ne bloque pas du tout la lecture, mais en plus c'est une manière de montrer au lecteur la partie immergée de l'iceberg en lui disant : maintenant, à toi d'imaginer la partie émergée et à quel point elle est grosse et terrifiante. Cette part d'interprétation laissée à votre imagination, c'est un pur bonheur de lecture, c'est un auteur qui vous offre sur un plateau la véritable liberté.


Le seul défaut que je lui trouve : j'ai peur les gros amateurs de science-fiction n'y trouvent pas leur compte et que les lecteurs qui aiment mener l'enquête en lisant devinent trop rapidement grâce aux indices laissés par l'auteure certains éléments et aient l'impression d'être un peu infantilisé par le fait de dire les choses clairement pour être sûr que tous l'ai compris.


Au final, cela donne un roman de SF très abordable par les non amateur du genre, agréable à lire, que j'ai fini d'un seul coup en tremblant un peu à la fin.

Fictifalcyone
9
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le 27 juil. 2017

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Fictifalcyone

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