Je suis ces corps… J’ai été… Nous pouvons toutes et tous être les personnages qui jalonnent ce récit…


Ce livre m’a énormément touché, il m’a parlé, il m’a remué. Certaines phrases sont un coup de scalpel, sous la plume de Carine Joaquin, ce scalpel qui veut tailler dans ces corps… L’image de ce corps qui devient notre pire ennemi, lorsque l’on ne l’écoute pas ou plus….


‘Les corps étrangers » est un titre qui colle au texte, on les imagine qui suintent l’amour, le désir, on peut s’imaginer aussi une certaine acceptation…


Pourtant, nos corps sont l’expression de nos joies autant que celle de nos peines… Nos joies gravent des sillons facilement reconnaissables, alors que les peines le creusent, fouillent, crient sous toutes les formes. Crient ces silences, ces non-dits, ces abstractions que l’on fait de sa personne, de ses désirs les plus enfouis… Nous pouvons toutes être cette femme, cet homme, dont les silences sont perçus comme une acceptation, alors même qu’ils ont la capacité d’être ce qu’ils souhaitent. Il y a une paralysie, qui annihile toute décision, toute prise de position qui, pensent-ils feraient éclater la douleur, alors même qu’elle serait salvatrice.


Carine Joaquin s’est inspirée de toutes ces souffrances qui traversent une vie, pour poser la souffrance la plus difficile, celle incompréhensible… Beaucoup ne liront ce livre qu’à travers une intrigue, une fiction, ce qu’il est en effet. Mais d’autres, le liront à travers le prisme de la vie, à travers le prisme de leur histoire. De leurs histoires… Certaines personnes basculeront au point de non-retour et d’autres, prendront les choses en main, ou devrais-je dire, prendront leur vie en main.


L’enfer est sur terre, l’enfer, c’est les autres, mais l’enfer, c’est surtout nous. Nous sommes notre propre enfer… Être acteur de sa vie, être l’artisan de son bonheur, peut passer par la douleur, il suffit de faire un choix, un seul et notre vie peut changer. Il suffit de ne pas accepter ces silences, d’accepter les échecs.


A quel moment ne s’aime-t-on pas assez pour accepter la souffrance ? À quel moment décide-t-on que notre vie doit être un sacrifice ? Pourquoi certaines personnes acceptent et d’autres refusent ? Tout cela tient à peu de choses, elle vient de lover dans nos entrailles au plus profond de notre être, au point qu’elle est familière et que son contact est doux. C’est un contact que l’on reconnaît, qui nous berce… Mais qui éteint la flamme de la vie jusqu’à l’extinction. Jusqu’à tout perdre, jusqu’à se perdre…


Nous pouvons être cette femme…. Cet homme, dont les souffrances habitent le quotidien au point de les paralyser.


Même si la souffrance d’Elisabeth est palpable, celle de Stéphane n’en est pas moins présente. Elle s’exprime de manière différente, plus latente, plus enfouie, mais avec une résonnance particulière. La pardon reste inaccessible, alors même qu’il est désiré, chacun s’enfermant un peu plus dans ses propres doutes. Maëva, ado de 15 ans, est la spectatrice privilégiée de la déchéance familiale, alors même qu’elle est confrontée à son premier grand amour, premières incompréhensions du monde qui l’entoure. Chaque personnage, apporte sa pierre à la construction narrative. Ceux en second plan, sont tout aussi, porteurs de messages importants.


S’oublier, se perdre, ne fait que distiller le poison des secrets, des non-dits, ce poison qui va pourrir ce que l’on pensait protéger. Dire la vérité, peut être douloureuse, mais elle est aussi le baume sur cette douleur. La parole libératrice malgré toute la souffrance que l’on ressent lorsque les mots jaillissent.


J’ai tout aimé dans ce roman, la plume qui ne laisse pas indifférente, où la psychologie de chaque personnage est finement travaillée, le final d’une noirceur absolue, mais j’ai aussi aimé le message, porteur d’espoir que porte en elle Maëva. Tout est minutieux, minutieusement décrit, sans jamais tomber dans les travers de leçons de vie que certains livres pondent. A travers la plume, on comprend que la solution est en nous… Un final qui ne laisse pas indifférent…

Ju-lit-les-mots
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le 7 janv. 2021

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