Si vous suivez un tant soit peu mes critiques, vous savez à quel point j'aime les recueils de nouvelles, et plus généralement le format de la nouvelle. C'est, plus j'y réfléchis, les récits qui me procurent le plus de plaisir en tant que lecteur. Je ne saurai malheureusement plus dans quel recueil Stephen King expliquait ce plaisir incroyable de lire d'une traite un récit horrifique, coincé dans un fauteuil au coin du feu par un soir d'orage, prêt à trembler et lâcher les chevaux d'un imaginaire sans limite… Certes, on ne retrouve pas la consistance réconfortante d'un roman, et l'élaboration d'une idée est moins « dense ». Mais c'est là la beauté de la nouvelle : créer une histoire cohérente, se suffisant à elle-même, absolument maîtrisée dans son exécution. La nouvelle doit être percutante, intrigante et beaucoup plus rationnelle dans son arborescence, contrainte de forme oblige. Et bien sûr, pour le panache : la chute, devenue quasiment la signature de ce type de récits…

La chose étant, si les excellents recueils de nouvelles se multiplient (à un rythme, certes, stable mais lent, très en contraste avec la belle époque des fanzines), autant dire que je ne suis généralement pas convaincu par les différentes anthologies proposées. J'ai des tas d'exemples de recueils d'auteurs absolument incroyables (citons les trois premiers qui me viennent en tête, sans exception des chefs-d'oeuvre absolus : Brume de Stephen King, Les livres de Sang de Clive Barker et le Pays d'Octobre de Ray Bradbury), mais nettement moins de véritables anthologies (systématiquement décevantes). Mais l'envie de se frotter à la nouvelle et découvrir de nouvelles plumes est bien trop fortes pour ne pas approfondir mes lectures d'anthologie, et soyez certains que les bonnes surprises suffisent, même lorsqu'elles sont à l'échelle de la nouvelle, à m'encourager.

Voici donc mon état d'esprit à l'ouverture de ce premier volume de Moisson d'Epouvante : heureux comme tout, mais peu confiant sur l'appréciation globale. La convocation d'auteurs globalement inconnus ou peu connus n'est par ailleurs pas pour rassurer le lecteur lambda, grégaire, qui aime voir ses grands créateurs littéraires à l'oeuvre.


Finalement, n'y allons pas par quatre chemins, Moisson d'Epouvante est une excellente surprise. Si le recueil ne renferme aucun chef-d'oeuvre à mes yeux, il est très majoritairement composé de textes bons, voire très bons, qui sauront contenter les lecteurs à la recherche de frissons.

Je salue modestement, à mon échelle, le travail d'anthologiste d'Yves-Daniel Crouzet, qui décidément assume ici une sélection délectable. La plupart des récits sont courts (une dizaine de pages), directs, réellement angoissants, et nombre d'entre eux bénéficient d'une chute réelle, aboutissement littéral d'un récit tourné vers elle (pas la chute artificielle qu'on vient greffer « parce qu'on fait une nouvelle »).

le ton est, dans l'ensemble, résolument « horrifique ». Et vous aurez à mes yeux une bonne vision d'ensemble de l'horreur moderne : de l'horreur lovecraftienne, psychologique, fantastique, sectaire, du body-horror, de la sorcellerie, de la créature de la nuit diverse, du zombie et même de l'humour…

Lisez donc Moisson d'Epouvante. Loin d'être la réunion anecdotique de quelques textes amateurs, le recueil s'érige en modeste, mais jolie victoire pour le genre exquis qu'est la nouvelle d'épouvante.

Wazlib
8
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le 15 oct. 2023

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Wazlib

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