Il s'agit encore d'un très bon cru, toutefois je contrasterai en affirmant que, jusqu'à présent, il est celui que j'ai le moins aimé. Une fois encore, un peu de contexte : ce livre prend place dans une terre éloignée de l'empire malazéen, le royaume de Lether, et se déroule en fait avant les événements de "The Gardens of the Moon", le premier tome, si bien que certains disent qu'on peut entamer cette saga avec ce tome. Personnellement, même si l'ordre chronologique serait respecté, je pense que c'est préférable d débuter avec le premier tome (voilà une affirmation très subversive), puisqu'il est celui aidant le mieux à se familiariser avec l'univers.


À l'instar de la précédente itération, ce tome-ci se centre sur le conflit entre deux entités. D'une part l'Empire de Lether (plusieurs empires dans cette saga vous noterez), majoritairement peuplé d'humains unification de plusieurs nations, et puissance expansionniste qui a gagné son territoire par la conquête et l'esclavagisme. En bons hypocrites qu'ils sont, ils s'imaginent être les représentants du "progrès" et de la "civilisation" : toutes les nations à ne pas courber l'échine devant eux sont considérées comme des "sauvages" qu'ils doivent "libérer". D'autre part, nous avons les Tiste Edur, une des trois races non-humaines "Tiste", associés à l'ombre, et dont l'espérance de vie peut atteindre les 100 000 ans (!). Inévitablement, ils sont nostalgiques de leur gloire passée et démarre en tant que succession de tribus désunies, aussi ont-ils besoin d'un chef. Et ils ne sont pas irréprochables en plus puisqu'ils aiment aussi prendre des humains (notamment Letherii) en esclavage.


La thématique principale de ce tome est le "refus de la mort". Plusieurs personnages l'incarnent, mais le principal est Rhulad Sengar. Il est le cadet du clan Sengar des Tiste Edur, et ses frères seront témoins de son parcours impressionnant, nommément Trull et Fear. Dans Lether même, il existe aussi une magie qui permet de ramener les morts comme "morts-vivants", à l'exception près que ce ne sont pas des zombies dénués d'intelligence mais bien des êtres réfléchis (une forme de nécromancie réussie donc). Citons notamment Shurq Elalle, une voleuse fourbe mais au grand coeur, et Kettle, une enfant des rues mystérieuse.


La force de Steven Erikson réside toujours dans sa capacité à nous présenter une galerie de personnages bien variés, outre ceux déjà cités plus haut. Rien que la famille royale, Dizanar, nous dévoile un roi, une reine et un prince ambitieux, prompts à faire la guerre, avec un entourage aux noms très typiques : la Première Concubine, le Premier Consort, la Preda (ici commandante de l'armée royale), le Finadd (garde du corps personnel du roi), ici répondant au nom de Brys Beddict. À l'instar de Sengar, la famille Beddict possède une certaine importance, et c'est certainement Tehol qui mettra de l'ombre à son propre frère. Un personnage intriguant, mais aussi débordant d'humour, qui complotera pour des "intérêts commerciaux". Ce livre nous montre tout particulièrement qu'en cas de guerre, non seulement le bien et le mal sont des concepts flous (ici on peut dire que les deux camps ne sont pas des anges), mais il existera aussi des gens pour en profiter. Tehol contractera de nombreuses alliances au sein du récit, notamment avec un trio de guerrières issues de tribus extérieures (Shand, Hejun et Rissarh), qu'il tentera d'initier au commerce, avec Shurq Elalle et avec la "Guilde des Attrapeurs de Rats", dirigée par une femme nommée Rucket. Et parmi tout ce beau monde, un autre personnage complote dans l'ombre, le dénommé Bugg...


Au-delà de cette énumération de personnages, le récit en lui-même nous présente toujours une dynamique alternance entre leurs points de vue. Steven Erikson possède pour habitude de commencer par une scène "choc", d'enchaîner avec la présentation de ces personnages, de nous dévoiler leur évolution entrecoupée de batailles, de complots et de révélation, pour finir sur une conclusion en apothéose, riche en émotions et intensité. Cela dit, cette structure diffère un peu dans ce livre, préquelle oblige, et cela impacte directement le rythme. Il existe donc des moments étranges où on est plongé dans une bataille mais on enchaîne sur deux personnages qui s'échangent la boisson tranquillement. Cette structure étrange tend à diminuer l'intensité de certains personnages. Par ailleurs, avec tous ces arcs narratifs entremêlés, on tend parfois davantage vers l'évolution individuelle que collective. Je n'ai par exemple pas cité Seren Pedac, qui joue le rôle de "Acquitor", c'est-à-dire une guide censée établir des échanges entre tous les "non-Letherii". Paradoxalement, sa connexion avec certains personnages est étrange, même si elle a des moments poignants.


En somme, Midnight Tides est toujours une réussite, mais peut-être que son statut de préquelle l'empêche d'atteindre l'intensité des tomes précédents en dépit de sa galerie toujours plus intéressante des personnages. Me voici donc à la moitié de la saga principale, mais il me reste tant à découvrir dans cet univers...

Saidor
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le 13 juin 2020

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