Justin Astrid souhaite qu’Ernest Lash l’aide à se séparer de sa femme Carol avec qui il n’est pas heureux. Carol, 36 ans, est une femme moderne, séduisante et avocate intraitable, que Justin décrit à Ernest comme absolument impossible à vivre. Justin consulte Ernest trois fois par semaine, au tarif de 150 dollars la séance. Tout cela pour s’allonger un beau matin sur son divan et lui déclarer qu’il vient de s’installer avec sa (très) jeune maîtresse Laura, sur un coup de tête qui n’a rien à voir avec la thérapie !


Pour Ernest c’est la perte d’un client doublée d’un échec vexant. Quant à Carol, elle ne supporte pas d’être celle qu’on quitte. Sachant que Justin consultait régulièrement Ernest, elle considère celui-ci comme responsable de ce qui lui arrive. Ernest doit payer !


Bavard et ambitieux, Ernest discute avec d’autres psys, amis ou simples collègues. Il a écouté, fasciné, le Dr Trotter, un psy qui a succombé aux charmes d’une de ses patientes, oubliant la déontologie élémentaire (« Vous vous rendez compte que l’un d’entre eux a couché avec sa patiente à chaque séance, deux fois par semaine, pendant huit ans ! Et en la faisant payer ! ») Pas toujours irréprochable, Ernest se veut désormais honnête et transparent.


D’autre part, n’ayant pas encore le titre de docteur, Ernest voit un superviseur, le Dr Marshal Streider, avec qui il discute de ses cas. Thérapeute en activité, Marshal vise la présidence de l’Institut qui chapeaute tous les psys de San Francisco. Il rappelle souvent à Ernest les règles de bonne conduite de la profession (« Qui a dit que l’objectif de la thérapie était d’être toujours honnête, quel que soit le sujet ? Non, le seul et unique objectif, c’est de toujours agir pour le bien du patient ».) Mais Marshal a ses points faibles. Il gagne beaucoup d’argent, en veut toujours plus (loin de sa femme Shirley, reine de l’ikebana), pour assumer ses goûts de luxe. Opportuniste, l’un de ses clients lui propose une affaire mirobolante pour un risque a priori inexistant…


Marshal est très capable d’observer un joueur de poker et de mettre en lumière ses défauts, pour le métamorphoser en gagnant. Mais il a beaucoup de mal à détecter ses propres failles. La mise en parallèle du poker et de la psychanalyse est judicieuse, car le tête-à-tête entre le psy et son patient est comparable au poker menteur. Certes, le client est censé tout déballer et le psy l’écouter. Mais qui peut croire que le client dit toute la vérité, rien que la vérité ? Il raconte une histoire, son histoire, avec ses mots et sa façon de voir les choses.


Lui-même psychanalyste (il cite Freud et Jung dans le contexte, en limitant l’aspect théorique rébarbatif), l’auteur montre les psys sous un jour assez inattendu. Souvent vaniteux, avides de richesses, divisés par leurs querelles de chapelles, ils naviguent dans une zone où l’interprétation est reine. Blindés les psys ? Avec un beau sens de l’autodérision, Irvin Yalom les présente souvent naïfs, à la limite de la puérilité (ce qui est jubilatoire), confrontés à une clientèle de moins en moins complexée. Autant dire qu’il est beaucoup question de sexe et d’argent ici. Les patients ont de nombreux fantasmes et en parlent librement à leur psy. Qu’à cela ne tienne, le psy écoute et fantasme lui aussi. Le fantasme vedette est celui du psy amateur de gros seins qui satisfait la libido de sa patiente sexy et frustrée.


Ce roman présente l’univers des psychanalystes et de leurs clients dans un contexte très moderne, peuplé de personnages qui pourraient bien faire les beaux jours de quelque série télé. Les préoccupations générales n’atteignent pas des sommets. Le style est à l’avenant, sur le ton de la comédie. Il est possible qu’on perde en subtilité avec la traduction. Même si le titre français est bien trouvé, le titre original Lying on the couch joue sur un double sens en un seul mot (lying signifie aussi bien allongé que mentir).


Pourquoi lit-on ? Pourquoi choisit-on tel livre plutôt que tel autre ?


On lit par curiosité et on choisit un livre parce qu’il nous inspire (thèmes abordés, auteur, style, titre, présentation, etc.) Celui-ci m’a attiré par son titre et sa présentation. J’y ai trouvé une étude de mœurs originale qui m’a valu quelques heures de lecture instructive (près de 600 pages). Le grand déballage décrit par Yalom est savoureux.

Electron
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le 6 juin 2015

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