Voici un univers intéressant, mais dont le concept a peiné à me convaincre. Il s'agit d'une uchronie rétro-futuriste, et qui dit uchronie dit histoire divergente par rapport à celle que nous connaissons.


Ici, la divergence est la suivante : la reine Victoria a épousé un prince russe (plutôt que son mari allemand, comme dans "le vrai monde") et les empires britannique et russe ont fusionné pour donner une entité politique d'ampleur mondiale.


L'Histoire telle qu'on la connaît en est donc bouleversée. Les récits qui nous sont proposés se situent donc à la fin du troisième millénaire (selon le calendrier bouddhiste, adopté par l'Empire russo-britannique, donc en fait, 1969 chez nous).


Je dis "les" récits car il s'agit en fait d'une compilation de plusieurs enquêtes d'un grand détective anglo-russe (basé à Londres) : Jan Marcus Bodichiev.


L'ouvrage nous est présenté comme si Viat (le fils) et Olav (le père) Koulikov, étaient des personnages issus de cet univers, Viat ayant compulsé les notes de son père (sorte de Watson) pour nous livrer le présent recueil. Du coup, je n'ai pas réussi à savoir qui était vraiment l'auteur de ses textes. Sont-ce les noms des vrais auteurs, présentés comme issus de l'Empire russo-britannique, ou des pseudos ? Et bien je ne sais pas.


Plusieurs textes donc, certains incomplets (et dans ce cas pourquoi faire ? J'avoue ne pas avoir compris ce choix) , mettant en scène le détective dans diverses enquêtes.


Alors qu'est-ce qui n'a pas fonctionné avec moi ? Et bien c'est un ensemble de chose qui m'a gêné. L'uchronie en elle-même est plutôt bien vue, avec son Empire gigantesque et cosmopolite comme jamais, mais j'ai un vrai problème avec la société telle qu'elle nous est dépeinte.


En effet, l'action se situe dans l'équivalent des années 60 - 70 (en 1969 - 1970 précisément), avec un niveau technologique cependant bien différent. L'informatique y est par exemple bien plus développé, et certaines technologies même réellement en avance (même aujourd'hui). Je pense au contrôle météorologique par exemple, ou aux humains "modifiés" (mais on y reviendra) ou aux automates de maison.


Pourtant, sur le plan sociétal, on est toujours dans un environnement de style victorien, ce qui m'a pas mal gêné aux entournures. Dur de rentrer dans un style narratif qui formellement rappelle celui d'un Conan Doyle, quand on nous dépeint une société technologiquement et chronologiquement plus vielle de près d'un siècle. Dur aussi de croire que la société aurait si peu évoluée sur une telle période de temps, et au sein d'un ensemble politique si monstrueusement grand.


Mais bon, s'il n'y avait que cela. Même les enquêtes m'ont moyennement satisfaits. La plupart d'entre elles se terminent de manière elliptique ou abrupte (c'est particulièrement frappant pour la première d'entre elles), laissant le lecteur de côté pour directement présenter un debrief de l'action dont on nous a privé. Irritant.


Et ça, c'est quand l'action va à son terme. Comme précisé plus haut l'un des textes est incomplet (je n'ai pas souvenir d'un autre texte tronqué), et là, vraiment, je ne comprend pas le délire. Est-ce pour accentuer le côté "on a vraiment retrouvé des notes éparses" de l'objet ? Mouaif.


Autre point qui m'a laissé dubitatif, mais qui spoile à mort, et que je vais donc masquer, le lira qui veut :


l'une des enquêtes mêle deux affaires. Celle des deux qui est au second plan, en toile de fond pour ainsi dire, met en scène un humain modifié qui peu se rende liquide, s'introduire dans les coffres de banques et les vider intégralement, si j'ai bien compris en transformant les liquidités en liquide justement, au sens littéral du terme.


Et ça, ça m'aurait intéressé qu'on m'en parle un peu plus. Comment ça marche ? D'où ça sort ? Or là, on a droit à une résolution du genre : "et voilà, j'avais compris que c'était un hulain modifié qui faisait le coup et hop, je l'ai coincé en remplaçant le coffre -fort par une chambre froide et en le transformant en glaçon"


C'est un peu court. De telles possibilités auraient dû être développées et présentées plus en détail je trouve.


Bref, je ne peux objectivement conseiller ce roman. Trop de défauts à mon goût. Petite déception donc, car j'aime bien le travail de cette maison d'éditions, et l'idée de départ est vraiment plaisante, mais au final sous-exploitée.


Tant qu'à suivre un détective russe, dans un contexte suranné, je recommande plutôt les enquêtes d'Eraste Petrovich Fandorine, de Boris Akounine. Il n'y a pas le contexte rétro-futuriste, mais il y a la Russie tsariste des Romanov, ce qui en soit est déjà bien assez dépaysant.

M_le_maudit
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le 7 août 2018

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