Le pommier qui cache la forêt?

Ecrire ses mémoires est un exercice difficile, surtout pour un personnage si exposé aux feux de la rampe depuis cinquante ans que la plupart des faits qu'il évoque ont déjà été analysés par d'autres, souvent plus objectivement et mieux.

Chirac choisit pour ce faire un ton neutre et une plume (assistée) sans grandes fulgurances. L'écriture manque de relief, surtout de la part d'un politique connu pour son franc parler paysan...l'autobiographie de Chirac est si lisse, neutre et presque artificielle à certains moments que ce n'est pas dans la forme qu'on trouve le plus de matière.
Le fonds ne relève hélas pas beaucoup le niveau car le Président se contente de raconter un parcours politique par ailleurs archi-connu. Privés de révélations ou d'analyses inédites, on reste sur un sentier bien balisé.

Le Président n'est pas avare de superlatifs pour encenser ses alliés. Par exemple pour Xavier Emmanuelli, "symbole de tout ce qu'un coeur humain peut porter en lui de dévouement et de générosité" ou pour son mentor, Georges Pompidou auquel il consacre de nombreuses pages.

Nulle allusion à la face cachée de Chirac, ses magouilles, trahisons, frasques amoureuses, démellés judiciaires. Ce livre raconte le personnage que Chirac a décidé de laisser à la postérité : il n'est pas tant question de l'homme que de l'homme public.

Point important : comme Chirac évoque la plupart des évènements dont il a été témoin ou acteur sans les décrire, il est préférable d'avoir une bonne connaissance de l'histoire contemporaine et politique pour situer l'histoire.

Enfin, comment ne pas évoquer les illustrations photographiques, notamment celles où il apparait à côté de Balladur avec les joues bleues de barbe, Giscard avec une mèche rebelle qui flotte à l'arrière du crâne, Mitterand à qui Chirac vole trois têtes ou Balladur (encore), tendant la main pour voir s'il ne pleut pas...c'est peut-être dans le choix de ces clichés que la personnalité de Chirac s'exprime le mieux.