A ma relecture en français de l'époque, je prends conscience de la beauté et du souffle de ce texte. Ces Mémoires, parmi les premières de ce genre en français nous livrent un tableau vivant, riche à foison d’une époque vieille de 500 ans. Un Balzac avant l’heure? Certes non, mais voilà un écrivain qui dans un style que Montaigne avait bien raison de louer, conte les boires et déboires des princes de son temps. On se retrouve au cœur du pouvoir dans le royaume de France, puis en Italie à la fin du XV° siècle.
Commynes est le premier à écrire ainsi, il écrit dans une époque de changement - l'humanisme commence à percer en France - et même si Dieu est au dessus de tout (l'invoquant à plusieurs reprises pour expliquer certains événements), les hommes et leurs affects sont au centre. Avec ces Mémoires nous sommes loin des chroniques remplies de topoi, qui peuvent être très belles comme celle de Froissart, mais ici nous avons un conseiller du Charles le Téméraire puis de Louis XI et enfin de Charles VIII qui nous livre un portrait des princes en leur ôtant tout leur apparat. On accède enfin aux hommes derrière les visages figés, à leurs bonheurs et à leurs souffrances. Les parties plus théoriques et religieuses, loin de tomber dans des croyance naïves « moyenâgeuses » rappellent les réflexion du Tolstoï sur l’Histoire dans Guerre et Paix. Bien sûr, il y a des longueurs, sur les négociations politiques entre les différents princes. Mais cette activité diplomatique a amené Commynes à voyager et à décrire sa rencontre étrange avec Savonarole, qui semble l’avoir ébranlé (comme il ébranla Botticelli?).
Cette œuvre dès sa publication connut un grand succès qui ne se démentit jamais. Et aujourd’hui nous avons la chance d’avoir une très belle édition de Joël Blanchard que je recommande. Je souhaite à cette œuvre de retrouver un public plus large, et non plus un public d’happy few amateurs de l’époque tardo-médiévale.
Pour finir le commentaire que Montaigne lui accorda dans ses Essais, livre II, chapitre 10 : « En mon Philippe de Commines il y a ceci : Vous y trouverez le langage doux et agréable, d’une naïve simplicité ; la narration pure, et en laquelle la bonne foi de l’auteur reluit évidemment, exempte de vanité parlant de soi, et d’affectation et d’envie parlant d’autrui ; »

pierreandre
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le 26 janv. 2018

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Pierre André

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