"Mais, ma pauvre Mathilde, la mienne était fausse... !"
Deux noms : Troyat et Maupassant. Le premier m'a emportée pendant deux cycles de romans, que sont la Lumière des Justes - l'histoire d'une aristocrate républicaine qui épouse un officier russe qu'elle suit jusqu'au bout du bout - et les Eygletière - l'histoire d'une famille bourgoise bien propette qui se met à pourrir de l'intérieur.
L'autre est, pour ne pas y aller par quatre chemins, mon écrivain préféré, aussi bien pour ses nouvelles emplies de critiques acerbes de sa société contemporaine que son penchant pour le genre fantastique, un genre qui me fascine profondément.
Donc fatalement, quand on m'a tendu une biographie de Guy de Maupassant écrite par Henri Troyat, ça m'a un brin émoustillée.
Troyat a quand même réussi à me maintenir en haleine pendant un peu moins de 300 pages en me racontant la vie d'un seul bonhomme - Wikipédia n'a qu'à bien se tenir. Il consigne les faits de façon détaillée sans encombrer son récit, avec une plume élégante et simple, et parle finalement assez peu de l’œuvre, que le lecteur peut, au final, s'expliquer à travers l'homme que l'on nous dépeint. L'oeuvre est traitée rapidement à travers les thèmes qu'elle aborde et un bref résumé. Troyat s'attarde davantage sur les conséquences qu'elle peut avoir sur la vie de Guy et ses rapports avec ses confrères du type Goncourt, Zola, et bien sûr - avant sa disparition - Flaubert. Le travail d'Henri Troyat est précis et remarquable.
Ensuite, je sais maintenant pourquoi j'aime autant l'écriture de Maupassant - j'aurais détesté l'homme. Au-delà du caractère de feu du bonhomme, de sa misogynie caractérisée par le fait qu'il méprise autant les femmes qu'il en raffole, son dégoût de la maternité, c'est avant tout un écrivain d'instinct et il l'affirmait lui-même. Si sa plume est agréable à suivre, ses récits ne sont pas des trésors de sonorité comme le seraient les oeuvres de Flaubert, son maître. L'œuvre de Maupassant croule de cynisme, de son dédain certifié de la condition humaine, de ses critiques des événements qui l'ont le plus marqué - la guerre de 1870 par exemple - de sa fascination pour les femmes qu'il croquait jusqu'à plus faim...
Si on note évidemment un certain changement entre son je-m'en-foutisme de jeunesse et son dégoût de la vie et de la douleur qu'il doit subir à la fin de sa vie, ayant toujours été très malade - ironiquement, il meurt de maladie (paralysie générale) alors qu'il s'en riait à vingt ans - une constante demeure : son orgueil, son désir de concilier un mode de vie hédoniste tout en abattant une dose incroyable de travail - avec vingt-sept livres publiés en dix ans. Le tournant de sa vie, entre ses "simples" douleurs, maux de tête, etc. jusqu'à la démence pure, m'a paru être la scène terrible de sa séparation d'avec son frère, devenu fou avant lui.
En somme : si vous aimez profondément l'oeuvre de Maupassant, je vous suggère fortement de vous attaquer à cette biographie très agréable à lire, pour retracer ce caractère unique. Parce que là du coup, j'ai très envie de me refaire l'intégrale.
