Thème captivant, style innovant (mais un poil trop)

Un suicide – ce n'est pas un spoiler, on comprend vite ce qui est arrivé. le mot n'est jamais prononcé mais c'est ce que racontent, chacun leur tour, les membres de la famille de Luc, et Luc lui-même : leur cheminement à eux, et son cheminement à lui, les relations familiales, ce qui aurait pu être mieux, se passer autrement, entrainer des conséquences différentes, ou peut-être que non, ce qu'on pouvait voir venir dans son comportement, ce qu'ils ont refusé de voir ou ne pouvait pas comprendre. Des tas de choses auraient pu être pires ou meilleures, mais ce qui est arrivé serait peut-être arrivé de toute façon. Il est difficile de comprendre un suicide ; on en a pas subitement marre pour une raison spécifique ; c'est un travail de sape qui prend toute une vie (jeu de mots involontaire). L'alternance des narrateurs crée une sorte de récit épistolaire oral, où chacun raconte de manière réaliste son point de vue, sans vrai destinataire, plutôt comme on se confierait à un journal intime.


Le style, voilà ce qui marque dès les premières pages ; une nouvelle manière de recréer par la littérature l'oralité du langage : pas juste par le vocabulaire mais par la structure des phrases, les répétitions, les redondances, les mots d'apparence inutile qui, plus qu'à meubler, servent à ponctuer le parler, dans lequel les points n'existent pas, pas plus qu'on ne peut savoir avec certitude si une phrase est finie ou si elle va reprendre ; les phrases littéraires (Majuscule-point.) peuvent contenir plusieurs phrases orales, ou au contraire, une orale peut enjamber plusieurs littéraires (certaines sans sujet ou sans verbe), la ponctuation marquant alors les pauses plutôt que la fin de l'information transmise.


Je n'ai pas à hésiter pour louer la subtilité de l'auteur, et toutes les nuances des relations familiales et des ressentis personnels qu'il est parvenu à saisir pour créer un roman sociologique crédible et tristement réaliste dans tous ses détails. Le seul reproche qu'on peut lui faire serait d'être parfois surécrit, de chercher à styliser toutes ses phrases sans exception, alors qu'il aurait pu en laisser glisser certaines dans la simplicité sans endommager le traitement du sujet (déjà grave et intéressant par lui-même), voire l'améliorant en le rendant, par une écriture moins insistante, d'autant plus capable de toucher le lecteur sur un registre émotionnel, ce qui en l'état actuel des choses tarde à venir.

Sivoj
6
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le 22 févr. 2017

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Sivoj

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