Mars 1920, Fernando est amoureux !
Alors il multiplie les surnoms d'Ophélia Queiroz (19 ans) : "Bébé, mon Bébé-angelot, ma petite poupée, Bébé Nininha, petit corps de tentation, mon petit coussinet rose pour épingler des baisers..."
L'Ibis bêtifie : "Petit Bébé du Nininho-ninho
oh ! Je viens seulement pour di'o petit Bébé que z'ai
beaucoup aimé sa p'tite let. Oh !
Et que z'ai bien regretté de ne pas êt à côté
du Bébé pou li donné des zous.
Oh ! Ninho est tout petitou !"


L'amour stimule sa fantaisie : "Tu vois, je t'écris, mais je ne pense pas à toi. Je pense à la nostalgie que j'éprouve du temps où je chassais les pigeons." "Tu m'as compris-compras ?" Avec 32 ans au compteur et un tempérament jaloux : "Mais toi, si ça se trouve, tu penses moins à moi qu'au garçon de courses, au D.A.F et au comptable de la C.D.&C ! Méchante, méchante, méchante, méchante, méchante...!!! Le fouet, voilà ce qui te manque."


Fernando veut garder le secret de leur relation : "Il n'y a personne qui sache si je t'aime ou non, parce que je n'ai fait de confidence à personne sur ce sujet." Il refuse d'être présenté à la famille d'Ophélia. "Ne dis à personne que nous nous "fréquentons", c'est ridicule. Nous nous aimons." En cachette, Fernando l'accompagne à son travail à pied ou en bus, la raccompagne en tram ou en train chez sa sœur. Quand la dépression le menace, il projette d'entrer en clinique pour "résister à la vague noire qui s'abat sur mon esprit." "En fin de compte, qu'est-ce qui s'est passé ? On m'a échangé contre Alvaro de Campos !" (15 octobre 1920).


En novembre 1920, Pessoa constate son échec amoureux : "la seule solution est de ne pas prolonger davantage une situation qui ne se justifie plus par l'amour, ni d'un côté ni de l'autre."
Il se doit à son œuvre : "Mon destin appartient à une autre Loi (...) et il est de plus en plus soumis à l'obéissance due à des Maîtres qui ne tolèrent ni ne pardonnent."


Neuf ans plus tard, ils renouent par l'intermédiaire du neveu d'Ophélia. Cela ne dure guère. Un poème tardif, signé Alvaro de Campos, résume cette idylle à sa façon :
"Toutes les lettres d'amour sont
Ridicules.
Ce ne seraient pas des lettres d'amour
si elles n'étaient pas
Ridicules.


Moi aussi, dans le temps, j'en ai écrit ;
Elles étaient, comme les autres,
Ridicules.


Les lettres d'amour, si l'amour existe
Doivent être
Ridicules.


Mais au bout du compte,
Ce sont les gens qui n'écrivent jamais
De lettres d'amour
Qui sont
Ridicules."

lionelbonhouvrier
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le 12 nov. 2017

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