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Erich Maria Remarque connut les affres de l'exil dès les années 1933 où son livre phare "À l'Ouest rien de nouveau" eut l'honneur d'être brûlé en place publique. L'exil, il connait et les exilés aussi.

"Les exilés" prend place à une période où les nazis étaient au pouvoir en Allemagne mais avant l'Anschluss et l'annexion des Sudètes (1938). Les dissidents et les juifs comme bien d'autres catégories sont peu à peu déclarés indésirables et déchus de leur nationalité. S'ils ont eu la chance d'échapper à l'internement en camp, les voilà qui errent d'une frontière à l'autre, au début, en Autriche et Tchécoslovaquie, je pense par facilité à cause de la langue. Puis les régimes s'inféodant de plus en plus au régime nazi, les frontières deviennent de plus en plus imperméables et nos exilés apatrides fuient vers la Suisse puis surtout la France, encore pays de cocagne dans ces années-là … avant de partir pour des horizons plus lointains, à moins d'être rattrapés par le Destin.

Le roman met en scène toute sortes de gens, non préparés à cette errance pendant ces années-là, 1935 à 1937.

Remarque ne nous fait grâce d'aucun détail, d'aucune ignominie en se focalisant sur quelques personnages jeunes, moins jeunes et vieux qui passent d'une frontière à l'autre, qui font des séjours en prison quand ils se font pincer avant d'être expulsés vers la frontière de leur choix puis de recommencer sans fin. Un milieu cosmopolite où tout le monde finit par se connaître, s'entraider ou se trahir pour une bouchée de pain ou un titre de séjour. Une solidarité d'une étrange Diaspora qui vit d'expédients, d'aides, de petits boulots (en général interdits). Les nouveaux exilés croisent de plus anciens comme des Russes blancs maintenant établis dans les pays d'accueil et disposant des fameux passeports Nansen qui ne sont plus distribués.

Dans le roman, se détachent des personnages clés : Steiner, évadé d'un camp de concentration, "expérimenté" dans l'art de la débrouille. Il étend son aile protectrice sur le jeune Ludwig Kern, demi-juif et sur la jeune juive Ruth devenus apatrides, sans aucune famille et qui sont porteurs d'espoir. Steiner est la référence et leur apprend leur nouveau "métier" d'exilé …

- Et souviens-toi que tout vaut mieux que la guerre.

- Et que d'être mort ?

- Que d'être mort, je ne sais pas. Mais que de mourir sûrement. Adieu, petit.

Pour la plupart des exilés, il s'agit d'intellectuels ou de gens qui avaient un métier médecin, libraire, professeur, tailleur, ouvrier, député ! etc … qui n'ont désormais plus qu'un seul objectif, celui de survivre à tout prix. Mais ce n'est pas toujours facile et la lassitude peut gagner faisant s'enfoncer certains dans un désespoir sans limite.

Roman écrit dans un langage très classique, passionnant, dur où Remarque développe son pacifisme encore une fois et porte une profonde empathie pour ses héros déracinés.

J'ai lu et relu ce roman à plusieurs moments de mon existence. Je me suis toujours senti proche de ces différents personnages pour des raisons évidentes et je ne peux m'empêcher de frémir, chaque fois, à ces destins laissés à l'abandon et de mesurer ma chance de ne pas en avoir été ou de ne pas en être.

Le titre allemand "Liebe deinen Nächsten" qu'on peut traduire par "aime ton prochain" est porteur d'une sombre ironie car l'aide ne venait que rarement de la population plutôt indifférente, si pas hostile à tous ces mouvements de population et à ces gens sans feu ni lieu.

JeanG55
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le 21 févr. 2023

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