Comment réagirions-nous si un matin nous nous levions et que nous constations avec stupeur que le monde a sombré dans le chaos…que les zombies rôdent partout, que le danger nous assaille de tout côtés ? Resteriez-vous prostrés, paralysés par la frayeur ? Décideriez-vous de combattre coûte que coûte ou de vous cacher en attendant que « cela passe », au risque que rien ne bouge ? Seriez-vous un opportuniste, un meneur, un larbin, un traître, un combattant, un trouillard ? Que seriez-vous prêts à faire ou à perdre ? Que pourriez-vous laisser derrière vous ? Troqueriez-vous votre humanité, votre libre arbitre, votre âme…pour quelques instants de plus sur cette planète ? Et si le monde que vous connaissiez était irrémédiablement enterré ?…jusqu’où iriez-vous pour survivre ?


Avec « Les Décharnés », Paul Clément nous immerge instantanément dans l’intrigue. En très peu de mots, l’histoire est posée, le personnage principal est (en partie) cerné et la problématique du roman est avancée. Patrick, un vieil homme acariâtre et fort peu sympathique de prime abord, se rafraîchit quelques instants à l’ombre d’un chêne tant la chaleur est harassante. Devant lui une départementale qui coupe ses champs. Sur cette route rien de bien anormal : des bouchons, des automobilistes…Jusqu’à ce moment où tout bascule…LE moment où la vie de Patrick sera à jamais chamboulée…


Dès cet instant tout s’enchaîne…survivre est primordial, coûte que coûte…Patrick va s’organiser, parer au plus pressé et espérer que quelqu’un vienne le sauver…car il faut absolument que quelqu’un vienne…Vous vous dites sans doute qu’il est seul, blessé, sans défense…Pas tout à fait !


Patrick n’a rien du vieil homme fragile et apeuré qu’il aurait très bien pu être. Cet homme aux multiples facettes saura bien vite rebondir…son moteur ? Un instinct de survie somme toute assez basique…Mais pas uniquement. C’est aussi cette petite fille, Emma qu’il va secourir…qu’il DOIT secourir, comme pour se prouver à lui même qu’il n’est pas qu’une peau de vache…qu’il n’est pas capable que du pire…qu’il existe encore en son sein un peu de ce palpitant qui fait toute la différence.


Et voilà où réside le génie de Paul Clément : ne pas se contenter de nous conter une histoire banale de zombies dans laquelle le lecteur retrouverait l’éternel schéma ‘zombiesque’ : les méchants zombies contre les gentils humains…Rien n’est tout noir ou tout blanc…Ce livre est un condensé de nuances et la profondeur des personnages et de l’intrigue révèle un réel travail de réflexion et d’écriture en amont.


La plume de Paul Clément est un délice...chaque mot semble avoir été pesé et choisi minutieusement…tout est fluide et percutant à la fois. J’ai vraiment aimé lire cet auteur. J’y ai retrouvé une sorte d’ « obscure clarté » qui nous guide tout au long du roman.


La naissance de sentiments dans un monde ravagé par la folie aussi sanguinaire soit-elle n’est pas l’un des moments les mieux choisis et les plus propices… C’est d’ailleurs ce qui touche le lecteur…l’authenticité des personnages, leur profondeur, la force des relations qui se créent et leur complexité.


Patrick n’est pas un héros…il n’a jamais demandé à l’être…il se contente de ‘faire ce qu’il faut faire’, ‘point barre’. Il n’a ni les épaules, ni le physique et encore moins l’attirail du héros. Il est ‘monsieur tout le monde’ qui doit faire avec ce qui l’entoure et se débrouiller comme il le peut. Et c’est ce qui rend ce roman si addictif : à sa place, que ferions-nous ? La terreur qu’il ressent, les questions qu’ils se posent, les choix qu’il fait pourraient très bien être les nôtres. Patrick est faillible, comme tout un chacun et c’est ce qui le rend attachant à mes yeux. Ce vieil ours parfois teigneux et cynique cache peut être un autre visage…au lecteur de creuser un peu !


Ce réalisme saisissant y est pour beaucoup dans le ressenti général et l’atmosphère que dégage « Les Décharnés » : le lecteur angoisse très facilement. Un simple grincement, une porte qui claque et c’est la panique ! Ce qui démontre une fois de plus que le réalisme des descriptions et la plume de l’auteur remplissent leur contrat : faire ressentir au lecteur tout ce que les protagonistes sont susceptibles de vivre dans ce quotidien peu banal.


La proximité des faits permet également au lecteur de se sentir davantage concerné. Pour une fois je dirai, l’intrigue ne se passe pas aux Etats-Unis…pas de laboratoire secret, pas de complot…Dans ce roman le lecteur se contente de suivre les péripéties et les embûches que rencontrent Patrick et Emma…et c’est tout ce qui compte au final…c’est l’histoire d’une survie…de deux êtres qui n’auraient jamais du se rencontrer et qui vont chercher, ensemble, un échappatoire à cette folie. Cela passera peut être par des doutes et des larmes, cela se fera probablement dans la terreur et le sang…mais ce cheminement pour rester en vie pourrait apporter son lot de surprises...


Vous pourrez le constater assez rapidement, Paul Clément sort des sentiers battus avec ce roman. Il traite à la fois d’un thème vu et revu…et parvient tout de même à l’aborder d’une manière inédite ! Crédible, humain, aboutit et profond, ce livre regorge de qualités.


Le seul petit bémol que je pourrais émettre concerne les descriptions. Très bien amenées dans le roman, elles sont peut-être en trop grand nombre néanmoins. J’ai parfois regretté la succession de descriptions qui alourdissait le roman à certains moments.


En conclusion : Le parti prit de l’auteur est très intéressant car risqué et sa plume, maîtrisée, saura vous capter.


Les Décharnés est selon moi une véritable réussite ! Un roman qui bouscule les codes et nous conduit à la réflexion…La fin, parfaite, est à l’image de ce roman : imprévisible et cohérente.


Je vous recommande vivement ce roman aux multiples facettes. Paul Clément est un jeune auteur qui a déjà tout d’un grand ! Je le remercie une nouvelle fois pour cette superbe découverte !

MonCoinLivresque
9

Créée

le 15 oct. 2016

Critique lue 320 fois

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