On vu a vu fleurir sur les rayonnages des librairies, depuis une dizaine d'années environ, toutes sortes de polars historiques. Sans une doute une mode ou une trouvaille des éditeurs pour doper les ventes. Le problème avec ces modes, c'est que dans le flux de sorties qu'elles entrainent, il y a à boire et à manger. Situés à toutes les époques et dans tous les lieux possibles et imaginables (et vas-y que je te fais de l'ethnique, et vas-y que je te fais de l'antique), nombre de productions indigentes ont pourtant certainement fait des ventes honorables : malgré des scénarios bâclés, des personnages ultra-classiques, des archétypes mille fois rebattus et simplement transposés ailleurs et il y a longtemps, et toujours et encore des happy ends à l'eau de rose...


Eh bien, en regard de ce constat quelque peu désabusé, la série Melchior l'Apothicaire, d'Indrek Hargla sort vraiment du lot. Et elle est pourtant totalement méconnue, au point que je sois le premier membre de SC à noter "Le glaive du bourreau". Eh oui, c'est bien dommage, car c'est un bouquin qui mérite amplement (à mes yeux) ses huit étoiles.


Indrek Hargla est estonien, sans doute très populaire dans son pays, et s'avère, à ma grande surprise, être un auteur qui a débuté en écrivant de la science-fiction, en particulier des romans uchroniques. Ces derniers n'ayant sans doute pas été traduit en français, il est peu probable que je les lise un jour (je ne parle pas estonien). Mais cette filiation uchroniste explique sans doute le soin particulier qu'apporte Hargla au côté historique de ses romans : "Le glaive du bourreau" est le troisième opus de la série, qui se déroule à Tallinn (en Estonie, bien sur) au début du treizième siècle. Et on y trouve des descriptions très détaillées et vivantes tant de la vie quotidienne d'une cité que du contexte politique de l'époque. Pour ce dernier, ordre des chevaliers teutoniques, ligue hanséatique et ordres monastiques sont au menu, sans oublier les voisins suédois, russes et lithuaniens. Le roman, qui fait près de 600 pages, comporte d'ailleurs de longues et fréquentes séquences d'explications historiques, qui contribuent fortement au sentiment d'immersion du lecteur. Bon, il faut s'y intéresser un peu quand même pour apprécier...


Et ce sentiment d'immersion est renforcé par les personnages, tout droit sortis du moyen-âge. Les protagonistes étant pour l'essentiel des bourgeois, des nobles et des ecclésiastiques, ils sont pieux, bien pensants avant tout, accoutumés à une certaine cruauté bien évidemment impensable de nos jours. Ben ouais, il était naturel à l'époque de pendre un voleur, surtout lorsqu'ils commettaient leurs larcins un jour de foire. Au mieux, ils s'en tiraient avec les mains coupées. Cela étant, les personnages d'Hargla ne sont pas pour autant dépourvus d'épaisseur psychologique, leurs fêlures et leur humanité se révélant au fil des pages.


Et pour terminer, il me faut mentionner que l'intrigue policière du "Glaive du bourreau" est particulièrement bien torchée, dans le style roman à énigme façon Agatha Christie : des meurtres incompréhensibles, une accumulation de petits faits qui paraissent insignifiants, un détective (apothicaire de son état) qui fait fonctionner ses petites cellules grises et qui résout l'irrésolvable - dans une grande scène finale - à la façon d'un Hercule Poirot balte et médiéval.

Marcus31
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lu en 2017

Créée

le 8 mai 2017

Critique lue 279 fois

2 j'aime

1 commentaire

Marcus31

Écrit par

Critique lue 279 fois

2
1

Du même critique

Papy fait de la résistance
Marcus31
10

Ach, ce robinet me résiste...che vais le mater

Ce qui frappe avant tout dans ce film, c'est l'extrême jubilation avec laquelle les acteurs semblent jouer leur rôle. Du coup, ils sont (presque) tous très bons et ils donnent véritablement...

le 2 sept. 2015

36 j'aime

5

Histoire de ta bêtise
Marcus31
10

A working class hero is something to be

Un pamphlet au vitriol contre une certaine bourgeoisie moderne, ouverte, progressiste, cultivée. Ou du moins qui se voit et s'affiche comme telle. On peut être d'accord ou non avec Bégaudeau, mais...

le 15 avr. 2019

32 j'aime

7

Madres paralelas
Marcus31
5

Qu'elle est loin, la Movida

Pedro Almodovar a 72 ans et il me semble qu'il soit désormais devenu une sorte de notable. Non pas qu'il ne l'ait pas mérité, ça reste un réalisateur immense, de par ses films des années 80 et du...

le 14 déc. 2021

25 j'aime