Voilà un bien joli roman.


L'histoire se déroule au tournant du XIXe et du XXe siècle, en Amérique. On y suit les destins de deux créatures fantastiques arrivées là contre leur gré et totalement perdues, pour des raisons différentes.


La première est une golème (oui, une) qui a été créée pour servir de fidèle épouse à son maître mais qui, suite au décès de ce dernier, se retrouve livrée à elle même peu de temps après sa "naissance". L'autre créature, quant à elle, est un Djinn, qui a passé près de 1000 ans enfermé dans une lampe et qui de ce fait, est un brin déboussolé à son réveil.


La golème atterrit fort logiquement dans le quartier juif de New-York, alors que le Djinn se trouve dans le quartier de Little Syria, qui accueille les chrétiens de Syrie qui ont quitté l'empire Ottoman. Chacun d'eux va donc se faire petit à petit et avec plus ou moins d'aisance, au voisinage des humains et à la nouvelle vie qu'ils doivent mener pour ne pas être découvert.


Leur rencontre, inévitable, finira par se produire (mais pas avant le milieu du livre tout de même), et leurs natures, quoique différentes, finiront par les rapprocher, chacun des deux souffrant d'être la seule créature fantastique de son espèce à des miles à la ronde (au bas mot).


On a donc à faire, sur le fond, à une banale romance. Sauf que bon, on s'en doute, avec deux créatures de ce genre, on peut difficilement parler de "banale" romance. Déjà, l'auteure prend son temps pour mettre en place son histoire. Chacun des deux protagonistes est longuement développé et on a le temps de se familiariser avec leur personnalité et leurs attentes / souffrances.


Car en effet, c'est là que réside le point d'intérêt majeur du roman : dans les tourments de ces deux créatures. D'un côté la golème, archétype de la figure du serviteur, qui se retrouve finalement du jour au lendemain sans maître, sans propos. Condamnée à vivre, mais sans finalité, on la surprend plusieurs fois à souhaiter mourir, ou mieux encore, retrouver un maître à qui obéir sans sourciller.


Le cas du Djinn est différent. Lui, il a vécu plusieurs siècles déjà, il avait une famille, un palais dans le désert etc... Il est, peut-être plus encore que les Syriens parmi lesquels il vit, déraciné. Coincé dans une enveloppe humaine, encore asservi par un magicien (même si ce dernier semble avoir perdu la trace du Djinn), il vit sa situation de manière très amère. La vie parmi les humains l'ennuie, son pays lui manque, sa liberté plus encore, bref sa vie d'avant lui manque.


Le récit est réellement très bien mené. Quand je dis que l'auteure prend son temps, ,c'est dans le bon sens du terme. Le décor, les personnages s'agencent peu à peu, et au final tout prend sens. Outre les personnages du roman, la vie des quartiers d'émigrés dans la New-York des années 1890 - 1900 est bien rendue, avec tout ce tissu de solidarité communautaire, ces quartiers bien séparés entre eux aussi. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à des films comme Il était une fois en Amérique ou Little Odessa.


Un beau roman, une belle histoire comme dirait l'autre.

M_le_maudit
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Livres lus en 2015

Créée

le 23 déc. 2015

Critique lue 321 fois

M_le_maudit

Écrit par

Critique lue 321 fois

Du même critique

Le Sentiment du fer
M_le_maudit
8

Cinq escales dans le Vieux Royaume

Retour dans le Vieux Royaume pour Jean-Philippe Jaworski avec ce recueil de nouvelles en cinq textes. Selon un principe éprouvé maintenant depuis l'excellent recueil : Janua Vera, chaque récit est...

le 27 mai 2015

15 j'aime

Seul sur Mars
M_le_maudit
9

Is there life on Mars ? (air connu)

Si vous pensiez que Robinson Crusoé ou que le personnage joué par Tom Hanks dans Seul au monde étaient des survivants, ce livre va vous convaincre que ce sont de pâles assistés comparés à Mark...

le 31 oct. 2014

12 j'aime

4

Martiens, Go Home !
M_le_maudit
8

L'invasion tranquillou

Martiens go home, c'est un peu l'anti Mars Attack. Alors ne nous méprenons pas, c'est bien une invasion. Les petits hommes verts décident comme ça, du jour au lendemain, de venir sur Terre. Alors...

le 3 févr. 2015

10 j'aime

1