Le livre se divise en trois parties.


Dans la première, on suit un auteur/narrateur lors du parcours promotionnel de son dernier livre et des animations qu’il peut être amené à effectuer pour mettre du beurre dans ses épinards. S’y dessine en creux le paysage culturel français du début des années 2010 ainsi qu’une photographie de son état – une majorité d’auteurs très lus et d’autres très peu, une paupérisation et une détresse de des acteurs bas niveau du milieu culturel et l’accaparement des postes confortables à exposition médiatique moyenne par la bourgeoisie.


Le narrateur ne semble pas en quête de reconnaissance de son travail mais seulement d'égard, de "politesse". En effet, il rencontre des modérateurs qui ne l’ont pas lu et des lecteurs goujats. Il est la fenêtre d'entrée du lecteur dans ce monde mais non le moteur du récit. Il subit plus qu'il n'agit.


L'auteur a préféré une description ironique, pleine de dérision plutôt que celle caustique exhalant la frustration et l’aigreur, que le milieu littéraire appelle souvent (je pense à L’information de Martin Amis, et de tout façon le narrateur en fait la remarque à Frédéric Bonnaud p147). Les maquilleuses tiennent des propos aussi portés sur la métaphysique que les questions des journalistes sont banales et hors-sujet par rapport à une interview littéraire ; premier signe des grands bouleversements à venir (avec les mentions ironiques à Diderot et à la courtoisie).


Deuxième partie, l’agacement du narrateur se somatise en mal de dos et les échanges se font plus tendus. La tâche pour lui se fait sysiphéenne à mesure qu’il cherche à retrouver de la joie dans un univers absurde et peu valorisant.


Suite à un passage onirique (dont j’ai trouvé qu’il pouvait avoir un petit côté beatnik, en sachant que je n’ai jamais lu de textes beatnik), on entre dans la troisième partie, une plongée dans une utopie libertaire reposant sur la coopération, le troc, l’inventivité et la rotation des responsabilités et fonctions. En le lisant, je me suis souvenu pourquoi on disait de Gaston Lagaffe qu’il pouvait être un héro libertaire (puisqu’il se démène dans le but de se reposer et d’avoir du temps libre).
S'y e mélangent des vocables soutenus et familiers, techniques et quotidiens, saupoudrés de quelques néologismes. L’arc relatif au narrateur se résout en partie puisque le monde se fait à l’image de la solution qu’il s’était faite plus tôt (« le choix du peu consistant, le peu qui consiste. Seul le mineur est vivable »), où l’art est un don, plus facilement partageable devant un petit auditoire qu’un grand, et dont l’artiste sort grandi. Il abandonne son envie de distinction.
Cette partie constitue une ouverture et élargit les thématiques (on finit par des raisons de ne pas se tuer quand même, on est loin de la critique acerbe des émissions promo que le livre aurait pu seulement être). Je pense aux ateliers en lien avec la fiction (où on se raconte pour trouver des solutions techniques à un problème).


Un livre sur le milieu littéraire n'est pas forcément littéraire. Or, ici par une mise en abîme se voit commenter des tours stylistiques (les tournures elliptiques, le style indirect libre et ce qu’apporte les temps de conjugaison***) présents dans les deux premières parties. Comme ça on a une définition, une proposition de ce qu’on peut appeler littérature.


Enfin, comment ne pas aimer un livre qui dit qu’il n’y a pas que les livres dans la vie.

Cactus121
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le 30 nov. 2017

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