Je ne sais pas exactement pourquoi j'ai été si peu emballée par La nuit de l'iguane, sans toutefois m'être franchement ennuyée. Quoique, par moments... Je crois qu'il m'a manqué ce que j'avais auparavant trouvé dans le théâtre de Tennessee Williams, à savoir cette brutalité qui prend si souvent aux tripes, chez les personnages comme dans les situations dramatiques qu'ils vivent.


Maxine, récemment veuve de Fred Faulk, tient au Mexique un hôtel de seconde zone tant bien que mal. Shannon, ami du couple, mais surtout du défunt, pasteur suspendu de ses fonctions par les autorités religieuses et reconverti comme guide touristique pour une agence de voyage bas de gamme, débarque avec un groupe de touristes féminines et puritaines, bien décidé à les forcer à passer la nuit dans l'hôtel de Maxine, ce qui est tout sauf convenu dans le programme - c'est qu'elles ont payé pour un voyage, sinon luxueux, du moins confortable, et que Shannon s'évertue à les contrarier constamment et à faire de leurs vacances un enfer. Jusqu'à coucher avec avec la plus jeune de ses clientes, et mineure, avec ça. Ce que ni va sans drames, la jeune fille la harcelant avec force larmes et cris, Shannon essayant de lui échapper, ainsi qu'au reste du groupe, forcément fort mécontent de lui. En même temps que Shannon, se présentent à l'hôtel deux personnages qui contrastent assez fort avec ce petit monde : Hannah, qui essaie de vivre en vendant ses peintures aux touristes, et qui voyage avec son grand-père Nonno, nonagénaire tout proche de la mort et qui cherche à terminer depuis très longtemps son tout dernier poème. Maxine, pragmatique, préfère encore supporter ses clients allemands chantant gaiement des chants nazis - c'est la seconde guerre mondiale - plutôt que Hannah et Nonno qui sont sans le sou. D'autant qu'elle se verrait bien tenir la pension avec Shannon (dont l'avenir dans le tourisme professionnel est d'évidence complètement fichu, bien qu'il le nie avec une ridicule véhémence), et qu'elle détecte vite une affinité évidente entre Shannon et Hannah. Hannah et Nonno s'installeront tout de même chez Maxine. Provisoirement ?


Il faut reconnaître que Tennessee Williams sait jouer avec les situations à la fois dramatiques et grotesques que Shannon ne cesse d'engendrer - et qui ne sont visiblement que les conséquences d'autres situations et d'autres actes tout aussi grandiloquents. Et pourtant, ce jeu de la déchéance dans lequel s'est enfermé Shannon, ses atermoiements et ses déchirements - en partie religieux - ne m'ont pas particulièrement intéressée, de même que le sort de Hannah m'a laissée plus ou moins de marbre, malgré sa souffrance évidente, et même si elle a relégué cette souffrance au passé et qu’elle l'a acceptée, comme elle l’affirme. Je dois dire que le long dialogue entre Shannon et Hannah sur leurs épreuves respectives à l'acte III n'ont pas aidé... Certes, on est toujours à ce moment crucial où les personnages doivent se décider pour un choix définitif. Et pourtant, je me suis un peu désintéressée de ces choix et de ces souffrances.


Et autant le symbolisme de la licorne miniature fonctionnait de manière poétique dans La ménagerie de verre, autant j'ai trouvé le symbolisme de l'iguane attrapé, attaché, incapable de s’échapper en attendant d'être torturé, tué et mangé, un tantinet exagéré comme métaphore des souffrances de Shannon et Hannah. Ce qui a finalement sauvé la pièce pour moi, c'est le personnage de Nonno, qui m'a, lui, réellement touchée, dans son obsession ultime pour sa poésie - encore que j’aime bien Maxine aussi. Et s'il existe un théâtre qui réclame que ses personnages nous touchent profondément, c'est bien celui de Tennessee Williams.

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le 13 mai 2018

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